Pluies diluviennes : Quand l'indiscipline et le laxisme tuent

Edito
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C'est connu. Lorsqu'on bloque le passage de l'eau qui coule, elle se force un autre passage. Et là, comme prise de fureur, sa puissance augmente et elle ravage tout sur son passage. Une simple loi de la nature, qu'on peut observer physiquement ou faire sa propre expérience.

En Côte d'Ivoire, les récentes inondations et leurs corollaires de dégâts matériels et humains - on dénombre déjà une vingtaine de morts et on croise les doigts que le décompte macabre en reste là - nous rappellent cette loi de la nature encore cette année 2020. Tout comme d'ailleurs les années précédentes.

En 2019, les pluies diluviennes faisaient environ 7 morts. En 2018, le bilan faisait cas de 19 morts et des dégâts considérables. En 2017, elles ont coûté la vie à 15 personnes, et 16 en 2016. En 2015, on comptait 16 morts et plus d'une trentaine en 2014. Autant on remonterait ainsi les temps pluvieux en Côte d'Ivoire, autant on trouverait des morts dues à des inondations ou des glissements de terrain.

Mais chaque fois que ces drames se sont produits, de grandes résolutions ont été prises, avec promesse, la main sur le cœur, de les réaliser pour le bien-être des populations. Mais chaque fois, rien n'est fait, sinon pas suffisamment, de sorte que les pluies diluviennes continuent leurs œuvres de destruction avec notre précieux concours. Les problèmes sont pourtant identifiés. Des experts analysent tous les contours. Ils élaborent même les solutions. Les travaux sont chiffrés à coût de plusieurs centaines de milliards de f cfa et parfois réalisés. Mais à chaque saison pluvieuse, telle une malédiction, les eaux de ruissellement tuent. A qui la faute ? D'abord à ceux qui bloquent le passage des eaux, ensuite à ceux qui regardent ceux qui bloquent le passage des eaux sans réagir. Pour ainsi dire, les vrais auteurs des inondations qui endeuillent les populations ivoiriennes pendant la saison des pluies sont l'indiscipline et le laxisme.

L'indiscipline de certains citoyens ou des gros bonnets qui foulent au pied les normes élémentaires de construction, mettant ainsi en danger la vie de leurs concitoyens et le laxisme des autorités qui n'ont pas très souvent la réaction adéquate face aux indisciplinés. Et depuis des années, on se complaît dans le décompte macabre, feignant mine de désolation. Les autorités ivoiriennes qui sont les garants de la sécurité et du bien-être des populations devraient prendre le problème à bras-le-corps en mettant en place une politique rigoureuse avec un suivi strict non complaisant. On nous dira que les phénomènes naturels échappent souvent au contrôle de l'être humain, il faut en convenir. Mais l'homme reste le propriétaire de son environnement et peut agir sur son cadre de vie. Les routes, les constructions et autres opérations immobilières, les infrastructures de développement sont l’œuvre de l'Homme, pas de la nature. On peut assainir et sécuriser notre cadre de vie. On amoindrirait ainsi les effets dévastateurs des phénomènes naturels.

Cela est d'autant plus vrai et possible que dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux en 2018, Robert Beugré Mambé, gouverneur du district d'Abidjan relève les causes des inondations. Face à un tableau, des marqueurs en mains et à travers de croquis, l'ingénieur spécialiste en calcul de structure Robert Mambé schématise le drainage des eaux de pluie à partir du bassin versant d'Abobo. Il explique que dans cette commune, '' on a au moins six cuvettes où les gens ne devraient pas construire, mais ils ont mis ces zones en valeur. Donc quand il pleut, toute l'eau se déverse. Mais dans le canal, si vous avez des pneus, du bois, des briques, du sable et d'autres objets solides, l'eau déborde et ça se déverse dans la nature ''. Ce diagnostic date de 2018 où la pluie a fait 19 morts. Deux ans plus tard, on en compte une vingtaine. Il est annoncé un projet de plus de 300 milliards de fcfa qui court jusqu'en 2030 pour régler le problème. Mais en attendant, l'indiscipline des populations et le laxisme des autorités continuent de causer du tort. Et c'est bien dommage.

Hamadou ZIAO