Côte d’Ivoire: On prend les mêmes et on recommence

Edito
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Le ciel s’assombrit de nouveau en Côte d’Ivoire. La conjoncture politique n’augure rien de bon pour la tranquillité et la paix sociale.

Les Ivoiriens qui s’étaient laissés flatter par des signes de décrispation de l’environnement politique sont brusquement redescendus sur terre. On se souvient, en effet, que pour remplacer le défunt président de l’Assemblée nationale, les différents partis politiques avaient laissé de côté leur adversité légendaire pour choisir unanimement Adama Bictogo, le candidat du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). Un geste d’une si grande élégance qui avait ravi les populations.

Une si grande élégance

Cette élection aura marqué plus d’un, en ce sens qu’elle a, pour une fois, fait l’unanimité. Tous les principaux partis politiques du pays notamment le RHDP (la coalition au pouvoir), le PDCI-RDA, l’UDPCI d’Albert Mabri Toikeusse, le PPA-CI de Laurent Gbagbo ont tous accordé leur faveur au député Adama Bictogo du RHDP. Celui-ci a récolté 237 voix sur 248 votants contre 6 voix pour Jean Michel Amankou et 5 bulletins blancs. La majorité requise étant de 125 voix. Adama Bictogo est donc déclaré élu président de l’Assemblée Nationale pour les trois prochaines années à venir.

S’en sont suivis des échanges de bons procédés. On cite, entre autres le soutien morale de l’ensemble de la classe politique au doyen Henri Konan Bédié, affligé par la disparition de son frère. Tous, on défilé à Daoukro pour témoigner de la compassion. Le parti du président Ouattara,  s’était alors distingué à cette occasion en envoyant une forte délégation de hauts dignitaires du Rhdp consoler la famille Bédié.

«Le président du Sénat, Jeannot Ahoussou-Kouadio, à la tête d’une forte délégation de cadres du RHDP, s’est rendu vendredi 27 mai 2022 à Pépressou (département de Daoukro, région de l’Ifou) en soutien au leader de l’opposition, Henri Konan Bédié, au premier jour des obsèques de son frère ainé Nanan Bédié Koffi Marcellin. Les échanges entre les représentants des cadres du RHDP originaires du centre  et la famille éplorée se sont déroulés dans la pure tradition locale.

 La délégation a fait don de 12 millions F CFA à la famille Bédié en vue « d’essuyer » ses larmes et son porte-parole, Michel Koffi, a rappelé le poids que représente encore Henri Konan Bédié aux yeux des natifs de cette partie de la Côte d’Ivoire en dépit des divorces politiques», a rapporté l’Agence ivoirienne de presse (Aip) fin mai 2022.

Mieux, la solidarité des houphouëtistes n’a pas fait défaut aux Bédié tout au long de ces obsèques. C’est ainsi qu’une autre délégation conduite par les ministres d’État Kandia Camara, des affaires étrangères et Kobenan Kouassi Adjoumani en charge de l’Agriculture et du développement rural accompagnés de plusieurs membres du gouvernement a apporté le réconfort au président du Pdci et à sa famille.

 Dans cette mouvance de décrispation du climat politique, le chef de l’État a organisé le 14 juillet 2022, une rencontre, au palais présidentiel avec ses prédécesseurs.

Dans cette mouvance de décrispation du climat politique, le chef de l’État a organisé le 14 juillet 2022, une rencontre, au palais présidentiel avec ses prédécesseurs. Une rencontre historique qualifiée toutefois «d’ordinaire» par le président Ouattara qui s’était félicité que ses hôtes aient favorablement répondu à son appel. Des retrouvailles dans une ambiance bon enfant au terme desquelles «le Benjamin» avait lu le communiqué final. « Mesdames, messieurs, bonsoir. Merci d’être venus si nombreux. Je suis avec mes prédécesseurs, le président Henri Konan Bédié et le président Laurent Gbagbo.

Nous avons eu une très bonne séance de travail et nous sommes convenus que le benjamin Laurent va lire un document pour rendre compte des échanges que nous venons d’avoir », avait déclaré d’entrée de jeu, Alassane Ouattara. Par la suite, le président de la République s’est adressé à son aîné Henri Konan Bédié pour lui demander s’il est d’accord avec lui. « Doyen, vous êtes d’accord avec moi ? », a-t-il demandé au président du PDCI-RDA. Taciturne, Henri Konan Bédié a  simplement fait usage de l’adverbe « Absolument » pour répondre à son ancien allié du RHDP. « La rencontre de ce jour a été une rencontre de retrouvailles pour renouer le contact et échanger dans la vérité leurs vues sur toutes ces grandes questions.

Le Président de la République et ses deux prédécesseurs ont exprimé leur volonté de faire de cette première rencontre un levain de la décrispation du climat sociopolitique national en Côte d’Ivoire. Le président de la République a salué la spontanéité de la réponse réservée à son invitation », avait alors fait savoir Laurent Gbagbo.

Et, sans surprise, l’on a appris que ces deux anciens chef de l’État étaient les invités de marque du président de la République à l’occasion de la célébration de la fête nationale, à Yamoussoukro. Alors, ils étaient nombreux les analystes politiques à s’échiner pour convaincre les plus sceptiques que le train de la réconciliation avait «véritablement» démarré. Dans les esprits des Ivoiriens se projetait déjà ce cliché historique de la place Jean-Paul 2 de Yamoussoukro: Les trois leaders de la vie politique ivoirienne offrant à la postérité leur plus beau sourire. Malheureusement, ce cliché, la foule de preneurs d’images ne l’aura pas.

Et, ce sera Justin Koné Katinan,Porte-parole du Parti des peuples africains (Ppa-ci) d’expliquer la volte-face de son mentor Laurent Gbagbo. En effet, au cours du traditionnel message à la nation, le président de la République a signé un important décret. «Dans le souci de renforcer la cohésion sociale, j’ai signé un décret accordant la grâce présidentielle à M. Laurent Gbagbo. J’ai également demandé qu’il soit procédé au dégel de ses comptes et au paiement de ses arriérés de rentes viagères», avait indiqué ce 6 août 2022, le président Ouattara.

Une annonce qui a produit le contraire de l’effet escompté chez les partisans de Laurent Gbagbo qui ont opposé un «niet» retentissant. «Ce n’est pas ce que nous attendons (...) Nous voulons une amnistie»,a réclamé Koné Katinan. Et, de justifier l’absence de Laurent Gbagbo dans la capitale politique lors de la célébration du 62è anniversaire de l’accession de la Côte d’Ivoire à la souveraineté internationale. «Il faut que l’on donne la raison de l’absence du président (Gbagbo) à Yamoussoukro.

Ayant été chef suprême des armées de Côte d’Ivoire, les militaires qui ont exercé sous ses ordres n’ont pas exercé d’ordre illégal. Dès cet instant, il a une responsabilité morale vis-à-vis de ces personnes, et au nom du respect que nous avons pour l’armée qu’il a commandé, il lui était difficile d’aller assister au défilé de l’armée lorsque des soldats qui ont servi sous ses ordres sont encore en prison et cela le président Ouattara doit le comprendre”, a-t-il ajouté.

De son côté, le Rhdp ne mettra pas du temps pour apporter la réplique. Le Porte-parole principal de ce parti, (le haut parleur), Kobenan Kouassi Adjoumani se fera entendre: «Le RHDP voudrait, afin de promouvoir la paix et la réconciliation nationale souhaitées par tous, inviter particulièrement le PPA-CI à faire preuve de retenue et de pondération dans l’expression de ses revendications car avant de demander plus, il faut avoir l’humilité  et la modestie de reconnaître et de saluer ce que l’on nous concède».

Une passe d’armes qui n’augure rien de bon à l’horizon. «Et voilà, c’est reparti. On prend les trois, et on recommence», a commenté un observateur de la vie politique ivoirienne. Chat échaudé craint eau froide, dit-on.

Jonas BAIKEH
Directeur de Publication
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