Des déchets toxiques au vaccin sur le covid-19

Edito
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L'affaire du vaccin contre le Covid-19, à expérimenter en Afrique, a mis la toile en feu. Comme s'ils se sont passé le mot, des personnalités publiques (hommes politiques, artistes, stars du football) aux simples citoyens africains, tous élèvent la voix pour condamner avec énergie cette proposition, pour le moins ahurissante, du Dr Jean-Paul Mira de l'hôpital Cochin à Paris (France). « Si je peux être provocateur, ne devrions-nous pas faire cette étude en Afrique, où il n'y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation ? Un peu comme cela se fait ailleurs pour certaines études sur le SIDA. Chez les prostituées, nous essayons des choses parce que nous savons qu'elles sont très exposées et qu'elles ne se protègent pas », lâche-t-il, sans sourciller, le 1er avril 2020, sur les antennes de la télévision française LCI.

Dans des tweets rageurs, d'abord l'Ivoirien Didier Drogba, star du football mondial s'insurge et martèle que « l'Afrique n'est pas un laboratoire de test ». Ensuite le Camerounais Samuel Eto'o, l'autre star du ballon rond, qualifie les initiateurs de ce projet d' « assassins ». Sans compter les nombreuses réactions corsées qui ont inondé les réseaux sociaux. Normal et légitime. On en est à se demander pourquoi on n’expérimenterait pas un tel vaccin dans les zones les plus touchées par le coronavirus, notamment en Espagne (130759 cas et 12418 décès), en Italie (124632 cas et 15362 décès), aux USA (300000 infectés, 8000 morts), en France qui enregistre 7560 décès ? A la vérité, Dr Mira ne fait que marcher dans des sillons déjà tracés. L'Afrique a, de tout temps, été perçu comme un continent d'expérimentation, sinon une zone d'exploitation pour les puissants de ce monde. Rien d'autre. Des périodes coloniales à ce XXIè siècle, il en a toujours été ainsi. Les matières premières agricoles (café, cacao, palmiers à huile, hévéa, coton, anacarde…), les ressources du sous-sol (or, diamant, manganèse, uranium…) ont davantage stimulé l'intérêt des puissances colonisatrices dans leurs relations avec l'Afrique.

De plus, et c'est de notoriété, le continent noir a bien souvent été érigé en poubelle géante pour des multinationales. On a encore en mémoire la triste affaire des déchets toxiques du Probo Koala à Abidjan en 2006, qui a causé la mort d'une vingtaine de personnes et l'intoxication de plusieurs milliers. Il y a eu également, courant mars 2019, cette autre affaire du riz avarié au port d'Abidjan, et qu'on a voulu commercialiser sur le marché ivoirien. Que dire des tonnes d'appareils électro-ménagers, d'ordinateurs, de pièces électroniques usagés qui inondent nos marchés. Sans oublié les véhicules '' france au revoir '', véhicules de seconde main qui sont les plus nombreux sur nos routes ? Tous ces déchets entrent dans nos pays africains et exposent, dans bien de cas, les populations à des dangers. Ce qui est en question ici avant tout, c'est la responsabilité de nos gouvernants. Selon la convention de Bâle sur les mouvements transfrontières des déchets dangereux et de leur élimination, entrée en vigueur en 1992, les pays ne peuvent pas exporter leurs déchets toxiques sans le consentement des destinataires. Chaque gouvernement est donc préalablement informé, et c'est avec son consentement qu'une telle action est menée sur son territoire. Si donc on doit expérimenter un vaccin dans quel que pays que ce soit, ce serait avec l'accord des dirigeants du pays concerné. Inutile donc de s'embrouiller dans des débats puérils. Les défis à relever sont nombreux pour les pays africains et sont connus. On pourrait citer la corruption, le manque d'emploi, la pauvreté, l'assainissement de l'environnement et du cadre de vie, le manque d'infrastructures éducatives, sanitaires et autres. Des indicateurs qui forcent le respect des autres nations et qui ne sauraient s'accommoder de certaines propositions, parfois choquantes et indécentes. Comme on le dit dans le langage de rue ivoirien : « Ils ont vu ça dans nos yeux ».

Hamadou ZIAO