Présidentielles 2020 en Côte d’Ivoire : Reportons ces élections !

Edito
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La Côte d'Ivoire se prépare pour des élections présidentielles en octobre 2020. Mais ce pays phare de l'Afrique de l'Ouest (40 % du PIB dans l'espace Uemoa) qui n'a pas encore fini de panser ses plaies issues de la meurtrière crise post-électorale de 2010, est-il prêt pour cette échéance à la fois attendue et redoutée ? Les signaux ne semblent pas tout à fait au vert, et l'idée d'un report de ces élections tend à prendre du volume dans les esprits.

« Peur dans les urnes », c'est l'intitulé plutôt évocateur de la revue de presse publiée, le vendredi 22 novembre 2019 par Rfi.fr sur la situation politique en Côte d'Ivoire. Le média qui cite plusieurs diplomates interrogés par Le Monde Afrique, fait savoir que ceux-ci émettent des réserves sur le bon déroulement du processus électoral. « En l'état actuel, ce n'est pas bon. On a été un peu surpris. Le '' tout va bien '' habituel du gouvernement s'est transformé en '' c'est vrai que c'est un peu tendu entre les différents leaders politiques et ce n'est pas de bon augure », confère Soir Info N°7529 du samedi 23 novembre 2019. C'est une alerte des diplomates en poste en Côte d'Ivoire. Plus loin, ils concluent sans ambages que les conditions ne sont pas réunies pour des élections '' crédibles et transparentes '' en Côte d'Ivoire. On peut évidemment considérer que ces propos ont été tenus dans des salons feutrés. Mais ils font parfaitement écho aux réalités politiques ivoiriennes. Lesquelles réalités laissent clairement voir, pour ceux qui veulent bien ouvrir les yeux là-dessus, que le processus électoral souffre de difficultés qui crèvent pourtant les yeux. Non seulement les instruments de ce processus, notamment la Commission électorale indépendante (Cei), l'inscription sur la liste électorale, le découpage électoral, la confection de la carte nationale d'identité (Cni) dont la validité a expiré pour la quasi-totalité des Ivoiriens, le recrutement et la formation des agents des bureaux de vote, ne sont pas encore mis en place. Mais cela donne lieu à de vives polémiques, ponctuées d'une mésentente profonde.

Sur la question singulière de la Cei, cheville ouvrière du processus électoral, les acteurs politiques sont en total désaccord. Guillaume Soro, l'ex-patron de la rébellion, aujourd'hui leader de Générations et peuples solidaires (GPS), le mouvement politique au nom duquel il s'est déclaré candidat à la présidentielle de 2020, a fait valoir, sans fioritures aucunes, que '' cette Cei ne va pas organiser ces élections '' ou encore que '' la Cei actuelle va brûler la Côte d'Ivoire ''.

De son côté, Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (Pdci) et potentiel candidat de ce parti, continue de réclamer mordicus, la réforme de la commission électorale. Idem pour le camp Gbagbo, pour qui cette Cei ne garantit aucunement des élections crédibles et transparentes. Sans compter les autres acteurs politiques, dont Mamadou Koulibaly de Lider, Danièle Boni-Claverie de l'Urd, Ouattara Gnonzié du Rpp, pour ne citer que ceux-là, qui rejettent la commission électorale dans sa forme actuelle. On pourrait déduire ici que ces leaders politiques ne reconnaîtraient pas les résultats proclamés par la Cei au soir du 30 octobre 2020, et ce sera la porte ouverte à une autre crise post-électorale. Sommes-nous prêts à revivre cet enfer dix ans après la précédente crise post-électorale ? Comme le disent les ambassadeurs, '' en l'état actuel, ce n'est pas bon ''. Que faire donc ?

Il convient de souligner que de la bonne organisation des élections dépendra l'atmosphère qui régnera au lendemain des résultats. Et que toute précipitation pourrait conduire au désastre. Il ne faut alors pas se précipiter, mais il faut veiller à lever les obstacles, vider les contentieux, obtenir un minimum de consensus sur les différentes étapes du processus électoral. Il faut faire en sorte, comme l'a souhaité cet acteur politique, que le jour du scrutin soit plus une journée de fête que de crispation et de tension. Est-il possible de réussir ce pari en seulement 11 mois ? Pas sûr. Déjà que le processus électoral lui-même préoccupe moins les différents partis politiques que les stratégies à mettre en place pour la victoire à tout prix, il y a à craindre, et à envisager résolument de reporter ces élections. On ferait sans nul doute un grand bien à la Côte d'Ivoire.

 

Hamadou ZIAO

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