Le prix Nobel de la paix a été attribué le vendredi 11 octobre 2019 au Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed.
Il est ainsi récompensé pour avoir impulsé la réconciliation entre son pays et l'Érythrée après plusieurs années de guerre civile, avec à la clé des dizaines de milliers de personnes qui ont perdu la vie. Il a également reçu cette distinction pour ses actions d'apaisement dans son pays bien souvent secoué par des violences inter-ethniques aux conséquences dramatiques. C'est donc un faiseur de paix qu'il convient de saluer, de féliciter et d'encourager. La vague de félicitations qui lui sont adressées à travers le monde, en dépit de quelques petites réserves émises par des observateurs, sont le témoignage éloquent de ce que Abiy Ahmed fait bien ce qu'il fait dans son pays, et qu'il est sur la bonne voie. Mais cela démontre également et surtout qu'en Afrique ou ailleurs dans le monde, la paix est plus qu'une nécessité pour la vie sur cette terre. On est malheureusement interloqué face aux spectacles plutôt ahurissants qu'offre notre monde de plus en plus malade et pour lequel la paix semble devenue une chimère.
La distinction du Premier ministre éthiopien intervient en effet, comme pour nous rappeler l'absurdité de notre existence, au moment où le monde assiste, inerte, à une série ininterrompue et révoltante de massacres des populations, notamment au Mali et au Burkina Faso. Morceaux choisis : ce même vendredi 11 octobre, alors que le monde applaudit l'Ethiopien pour ses salutaires actions de paix, des djihadistes font irruption dans une mosquée à Salmosi, une localité située au nord Burkina Faso, et tuent 16 fidèles musulmans venus accomplir leur devoir religieux. Il n'est pas inutile de rappeler que cela fait la énième attaque de populations civiles totalement inoffensives et désarmées, par des hommes armés pour des raisons qui demeurent pourtant inconnues de ces populations innocentes.
Au Mali, pays frontalier du Burkina Faso, c'est la même situation. Une avalanche d'attaques armées dont la plus meurtrière reste - il faut le souhaiter, vu que la série noire n'est pas encore stoppée - celle des villages d'Ogossagou et Welingara, survenue le samedi 23 mars 2019 et qui a fait plus de 100 morts.
Ces deux pays de l'Afrique subsaharienne sont ainsi pris d'assaut par des groupes armés qui y sévissent impunément, défiant l'autorité des pays concernés, mais également celle du monde. Bien sûr, la mise en place de la force du G5 sahel reste à ce niveau une réelle avancée dans la lutte contre le terrorisme. Mais son financement adossé aux bailleurs de fonds étrangers ne constitue t-il pas un sérieux handicap ? Étant donné que ces gros financiers ont certainement d'autres chats plus gras à fouetter ailleurs. De plus, l'opérationnalisation effective de la force elle même reste quelque peu boiteuse aussi bien dans la mise en place des effectifs que dans les stratégies de lutte. Sans oublier la faiblesse des armées de la quasi-totalité des pays qui composent le G5 Sahel, plus entraînées à maintenir un régime en place qu'à faire la guerre contre une force étrangère. On en est donc là. Et pendant ce temps, les terroristes gagnent du terrain. Ils s'organisent. Au détour d'une lecture sur internet il y a quelques jours, Rfi.fr apprenait que « les terroristes ont aussi leur G5-Sahel. Ansar Dine, Front du Macina, al-Mourabitoune, AQMI, Ansarul Islam, État islamique dans le Grand Sahara : ça fait un G5 », citant ainsi le chef d'un groupe d'anciens rebelles du nord-est du Mali. Il révèle même des connexions entre les différents groupes. Selon une source burkinabé citée par Rfi, « il y a une porosité entre les groupes. Ils s’échangent parfois des combattants, travaillent ensemble ou se partagent les tâches (...). On peut parfaitement imaginer qu’Ansarul Islam fait le travail de renseignement et que les combattants viennent ensuite de groupes plus habitués et formés aux opérations complexes ». Ils sont donc bien organisés. Ils sont fixés sur leur objectif. « Les terroristes veulent faire de la région Sahel du Burkina leur nouveau bastion, (…). Pour l'heure, ils sanctuarisent la zone ensemble, et régleront leurs différends plus tard », indique toujours Rfi. La menace est donc réelle. Les Burkinabé et les Maliens la subissent au quotidien. Que faisons-nous concrètement face à cette avancée terroriste ? Faut-il attendre qu'elle gangrène tout le corps africain avant de réagir ? Au moment où le monde célèbre le prix Nobel de la paix, des terroristes savourent silencieusement des exploits barbares de guerre et de massacres contre des populations.
Hamadou ZIAO