Ralliements d'élus locaux, quel sens !

Edito
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Après les transhumances électorales à travers les convoyages d'électeurs d'un lieu de vote à un autre, un autre phénomène vient de s'ajouter aux nombreuses pratiques saisonnières auxquelles les Ivoiriens sont devenus coutumiers. Il s'agit du ralliement d'élus locaux.

Eux, ils ont déposé leurs candidatures à la candidature pour le parrainage de leur famille politique. Certains ont été choisis au détriment d'autres cadres. A certains autres, on a préféré d'autres noms. Ils ont déposé leurs listes de candidatures à la Commission électorale indépendante sous la bannière qu'ils ont délibérément choisie. Pendant la campagne, ils sont allés vers les populations sous une couleur politique bien précise. C'est à ce titre que les populations leur ont fait confiance dans les urnes, en optant pour le symbole qu'ils incarnent. Au terme des délibérations, ils ont été élus. A la tête de Conseils régionaux ou de municipalités. Mais, depuis la proclamation des résultats des élections locales du 13 octobre dernier, c'est le ballet des ralliements. Un fait qui, à la vérité, n'est pas nouveau.

En effet, depuis des années, on assiste à des ralliements d'élus à des partis politiques. Le choix des candidats aux différents scrutins, tant législatifs que locaux, a souvent posé problème au sein des grandes formations politiques comme le Pdci-Rda, le Rdr ou le Fpi. Les directions de ces partis ont souvent fait des arbitrages qui se sont avérés aléatoires à l'épreuve du terrain. Des candidats non retenus se sont, à maintes reprises, aventurés à aller sous la bannières indépendantes. Nombre d'entre eux sont arrivés à battre les choix des partis sans difficulté. Mais, à l'issue des scrutins, la plupart des indépendants rallient leur parti d'origine après avoir démontré à leurs dirigeants qu'ils se sont trompés sur leur compte.

Ainsi, à l'issue des dernières élections municipales et régionales, l'on a noté le retour en famille de plusieurs élus indépendants qui ont défié des choix de leurs dirigeants. Des cadres du Pdci élus sur des listes indépendantes dans des communes ou régions ont reversé leurs victoire et rallié leur famille politique. La même chose s'est passée pour le Rhdp parti unifié qui a accueilli volontiers tous les indépendants qui ont triomphé au détriment de ses listes initiales.

Mais, le fait nouveau, ce sont ces élus sous une étiquette clairement affichée, qui annoncent leur ralliement à un autre camp. C'est-à-dire ces maires ou président de Conseils généraux Pdci-Rda qui décide de reverser leurs victoires au Rhdp unifié. Car, c'est de cela qu'il s'agit. Ce ralliement peut-il revêtir un sens.

Primo, le maire ou le président du Conseil régional qui opère ce choix, figure sur une liste bloquée de dizaine de personnes connues pour être des militants dans leur grande majorité. Prend-il sa décision avec l'accord de cette liste, qui l'élit à la tête de la commune ou de la région ? Le fait que la tête de liste opte pour une autre étiquette change-t-elle les convictions des autres membres élus au même titre que lui ? C'est le premier niveau d'interrogation.

Mais, supposons que tous les membres de ces listes élues soient tous unanimes, pour une raison ou une autre de rallier le camp adverses, le font-ils au nom des populations qui leur ont fait confiance ? Ces populations n'ont-elles pas apprécié les autres candidats pour leur porter leurs voix ? Il y a là, quelque chose qui ne va pas. Quelque chose qui ressemble à de l'éthique politique méprisée et violée. Une sorte de trahison qui ne dit pas son nom.

Mieux, quel sens donné à cette nouvelle forme de transhumance ? En quoi cela est-il bénéfique pour ses acteurs ?

A priori, l'élu qui rejoint le pouvoir y voit bien d'intérêts. S'il n'est mu par d'autres raisons subjectives, il espère avoir les moyens et l'entregent nécessaire pour travailler pour sa population. Souvenons-nous ces propos tenus par un ministre influent de la place en pleine campagne pour les municipales, quand elle demande aux populations de ne donner leurs voix qu'à ceux qui connaissent le Premier ministre ou le Président de la République. Si bien sûr ces populations veulent le développement. Lapsus ! Même lapsus pour cet autre dignitaire qui lance haut être capable de mobiliser un milliard de f Cfa en un coup de fil là où d'autres mettraient des années à l'espérer. Bref, est-ce normal qu'un élu local agent de développement, soit d'un camp ou d'un clan pour espérer disposer des moyens normalement prévus par l’État pour travailler pour les siens? Lapsus et lapsus !

Revenons maintenant aux bénéficiaires des ralliements. En l'occurrence le Rhdp pour ce qu concerne cet exercice. Que gagne-t-il réellement ? Si ! Il y a bien un gain. Dans l'immédiat, le Rhdp unifié gagne en notoriété. La toute dernière formation politique accroît son taux de couverture et peut se prévaloir de son poids sur les autres formations de la place. De quoi donner encore plus de coffre à ses dirigeants, qui ne manquent pas du reste de tirer des inférences pour 2020. Mais, est-ce que le poids de ces ralliements reflète la réalité des statistiques ?

En partant du principe qu'un élu sous une étiquette ne va pas forcément avec l’assentiment de ceux qui lui ont accordé leurs voix, les calculs sont vite faussés. Du coup, parbleu ! Risque d'erreur. Sauf si l'effet ''communication'' ces ralliements suffisent déjà pour le Rhdp pour faire bonne figure devant l'opinion pour ses ambitions à venir. Tout le monde vise 2020. Mais, bien visé 2020 est indispensable. Car, bien de facteurs vont jouer à cette échéances différentes de toutes les élections organisées après les présidentielles de 2010. 2020 se fera non seulement avec ces électeurs pro-Gbagbo qui ont boudé tous les scrutins sous le régime Ouattara, mais il faudra compter avec des millions de nouveaux électeurs qui vont s'ajouter à la liste, le contexte et la tête des candidats. C'est le vrai challenge qui attend le Pdci, le Rhdp unifié, et bien entendu le Fpi. Ces élections locales non inclusives ne pouvant servir de repère pour la suite.

 

Félix D.BONY

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