Chaotiques et si bas !

Edito
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A 21 mois des prochaines échéances présidentielles, le débat politique prend des tournures en Côte d’Ivoire. Les positions tranchées, la radicalisation du ton, et les intolérances ont repris de plus belle sur l’atmosphère devenant sereine qu’ont vécue les ivoiriens au cours de ces dernières années. Comme si 2010 n’aura servi à tirer aucune leçon, le même décor s’installe. Un décor qui cumule à la fois la férocité des adversités de 2010 et les gênes du coup d’Etat de 1999.

Il y a 9 ans, la nation ivoirienne sombrait dans une profonde crise meurtrière. La crise post-électorale de 2010 - 2011 qui aurait coûté la vie à des milliers de ses enfants. Jusqu’à présent, des victimes de cette crise continuent de vivre avec des stigmates. Certains ont même manifesté récemment pour traduire leur existence. Les souvenirs sont encore si vivaces dans les esprits. Au point où l’on ne s’imagine pas qu’une telle situation puisse se répéter dans le pays d’Houphouët-Boigny naguère havre de paix en Afrique de l’ouest.

Mais, comme si la malédiction faisait partie de l’Adn des dirigeants de ce pays, les mêmes gênes réapparaissent et se multiplient à l’approche des nouvelles échéances pour le renouvellement des institutions.

Comme en 2010, les incompréhensions ont refait surface. Le clan au pouvoir s’est radicalisé. En face de lui, une opposition toute aussi se radicalisant, prête à se constituer en un front commun pour le combattre.

Comme en 2010, un bloc solide (!) de gens bien installés au souper semble,nt gagner par l’arrogance du pouvoir. Tandis que l’opposition s’active à s’organiser en plate-forme pour sonner la réplique.

En 2010, le Pdci-Rda et son leader, Henri Konan Bédié, s’alliaient à Alassane Ouattara et le Rdr pour fonder, avec d’autres petits alliés, le Rassemblement des Houphouëtistes en vue de combattre La Majorité présidentielle (LMP) de Laurent Gbagbo assise sous une armée aux ordres. En 2019, à un an des échéances de 2020, le même Pdci se tourne, cette fois, vers le Fpi du même Laurent Gbagbo, pour former la nouvelle plate-forme de l’opposition et combattre Alassane Ouattara, devenu l’adversaire à abattre. Lui aussi, bariolé derrière une armée sur laquelle il semble compter pour durcir le ton de son discours.

De part et d’autre, les empoignades ont commencé. On peine à s’entendre sur l’essentiel. Pour garantir un processus démocratique fiable et transparente pouvant anticiper sur une éventuelles crises à l’issue des prochains scrutins. La réforme de la Commission électorale indépendante (Cei) semble déjà mal partie. L’opposition réclamant une réforme en profondeur, là où le pouvoir se limite à une recomposition des hommes.

Pourtant combien de challenges tous autant déterminants qui attendent encore d’être relevés ! Dans le consensus. La délivrance des nouvelles cartes d’identité, la révision des listes électorales, le nouveau découpage territorial, … Autant de préalables à lever, qui nécessiterait un ton apaisé dans le débat. Ce débat dont certaines allures rappellent si bien les étincelles avec lesquelles l’on a joué par le passé. Ces étincelles qui ont mis le feu aux poudres.

De plus en plus, l’on entend des voix qui montent. Ces voix qui parlent opposent certains Ivoiriens à d’autres. Une sorte de retour à la pensée ivoiritaire. Cette pensée qui aura fait tant de mal sous des régimes passés. De plus en plus, c’est le discours qui est servi. Suivi de la réplique des uns et des autres.

Depuis une semaine, le débat a dépassé certains seuils. L’indécence s’est invitée aux discours. Notamment dans des diatribes qui frisent l’irresponsabilité et l’immaturité politiques. Quand de hauts dignitaires politiques se lancent des pics sous les hourras de leurs publics qui les applaudissent ! Quand leurs lieutenants prennent le relais et versent jusque dans le trivial, sans pudeur comme les propos de cette député descendant jusque dans la jupe. A qui la faute ?

Bien sûr, à leurs leaders. Ceux-là, qui leur ont montré la voie. Celle de la bassesse.

Il ne faut pas avoir honte de le dire. On a rabaissé le débat politique. Alors qu’on s’attendait à une maturité de ses dirigeants politiques, après les péripéties du passée, la Côte d’Ivoire ne peut être fière de ses fils qui continuent à la tirer par le bas. Encore plus bas, si bas qu’elle inspire la honte devant le monde entier. Toujours avec les mêmes acteurs en activité. Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara et bientôt Laurent Gbagbo, qu’on pourrait retrouver, encore et intraitables, en 2020. Dans le même scénario catastrophe de gens qui ne savent pas perdre. Mais, surtout, avec en perspectives, des morts, des victimes et des victimes.

Et dire que parmi ces acteurs, certains se réclament d’Houphouët-Boigny, le père de la Nation ivoirienne, qui a passé sa vie à répéter qu’il ne verserait le sang d’aucun ivoirien. Où sont ces disciples qui se réclament de sa philosophie tandis que de par leurs actes, la Côte d’Ivoire fonde droit vers le chao. Un autre chao que redoutent déjà les Ivoiriens, et tous ceux qui observent l’évolution crescendo de la situation actuelle dans le pays d’Houphouët-Boigny.

A quand l’éveil Houphouëtiste ? Ce sursaut dans les actes et non dans le verbe. La question aux héritiers qui s’entre-déchirent. La Côte d’Ivoire avec ! Notamment, en présageant du ton de ces discours chaotiques et si bas!

 

Félix D.BONY