Qui l’eut cru ! Pourtant c’est bien vers cette réalité que la Côte d’Ivoire est en train de tendre. Une nouvelle recomposition des cartes sur la scène politique ivoirienne se prépare. Après une décennie à peine de règne du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). Cette alliance n’aura tenu que sept ans à l’épreuve de l’exercice du pouvoir. Après avoir passé 5 ans ensemble à le conquérir, dès sa création en mai 2005 à la fin de la crise post-électorale en avril 2011.
L’idylle aura duré finalement 11 ans. Onze années d’amour et de collusion. De longs mois durant lesquels les premiers dirigeants de l’Alliance des Houphouëtistes que sont Henri Konan Bédié du Pdci-Rda, et le président de la République, Alassane Ouattara, du Rdr, se sont servis du « jeune frère » et du « mon aîné » sous les feux des caméras et objectifs photos. Symbole d’affection réciproque ou de duperie ?
L’on sait que ces deux hommes ne s’étaient jamais portés dans leurs cœurs par le passé. Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié ont été les deux acteurs de la guerre des héritiers dont la Côte d’Ivoire continue d’en pâtir jusqu’à ce jour. L’actuel chef de l’Etat garde du ‘’Sphinx’’ de Daoukro, les plus douloureux souvenir de sa vie politique en Eburnie. Point besoin de remuer le couteau dans la plaie pour rappeler la bataille de la succession à feu Félix Houphouët-Boigny remportée par le président de l’Assemblée nationale, dauphin d’alors, qui va ériger l’Ivoirité comme moyen pour écarter définitivement de la vie politique ivoirienne, le seul et unique Premier ministre qu’aura eu son mentor avant sa disparition.
A contrario, l’héritier politique du ‘’Père’’ de la Nation ivoirienne n’aura pas eu le règne tranquille. Henri Konan Bédié ne s’est jamais remis et se souvient, toujours la gorge nouée, de ce coup d’Etat de décembre 1999 qui l’a vu partir en exil, après ses relations tendues avec Alassane Ouattara. Lequel, pour tenir l’adversité face aux dirigeants d’alors, a dû s’allier avec l’opposant historique d’Houphouët-Boigny, le fondateur du Front populaire ivoirien, Laurent Gbagbo. Naquit alors le Front Républicain. La première coalition sous l’ère du multipartisme, dont la dénomination est dérivée du Front du Fpi et du Républicain du Rdr. Le pouvoir d’Henri Konan Bédié n’aura tenu que juste quelques années face à ce front, avant de vaciller. Son régime connait sa chute provoquée par la conjoncture politique de cette époque où, main dans la main, Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara, battaient le pavé avec leurs camarades, feu Djéni Kobina, fondateur du Rdr, des leaders de gauche, dont un certain Bamba Moriféré, fondateur du Parti pour le progrès du socialisme, aujourd’hui président du Rassemblement pour la Côte d’Ivoire (Rpci), etc.
La décennie qui suit, avec l’arrivée au pouvoir, dans la grisaille, du président du Fpi, soudainement une nouvelle recomposition de la classe politique s’opère. Miracle ou mirage ? Les farouches ennemis d’hier parviennent à étouffer leurs égos et leurs inimitiés. A la surprise générale de tous, ils fondent leur alliance à eux aussi. Le Front républicain cassé, l’un des alliés d’hier passe à la cible. 2005 – 2010 : Laurent Gbagbo est touché. « Il est tombé comme un fruit pourri », dixit un jeune cadre du Rdr, aujourd’hui ministre. Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara sont parvenus à le tomber. L’ancien chef d’Etat et l’ancien Premier ministre ayant pris conscience que seule l’alliance de deux du triumvirat sur la scène politique ivoirienne peut conquérir le pouvoir. Leçon bien apprise, mais mal assimilée apparemment.
Une fois aux affaires, la boulimie et l’appétit du pouvoir est en train de changer toutes les donnes. Depuis quelques semaines, rebelote. L’histoire revient à sa carte de départ. Encore une friction au sein de la coalition qui dirige. Entre le Pdci et le Rdr, ça ne va plus. Le divorce est consommé depuis la sortie du président Henri Konan Bédié pour annoncer sa sortie du Rhdp et sa disposition à s’engager dans une nouvelle plate-forme avec d’autres ivoiriens partageant la même vision que son parti. A savoir la reconquête du pouvoir en 2020. Dans la foulée, les négociations dans l’ombre vont bon train. Le ballet des opposants à Daoukro n’échappe à personne. Une nouvelle redistribution des cartes se profile. Alassane Ouattara en est conscient et sort un premier joker. Il libère les prisonniers politiques de la crise post-électorale de 2011. Espérant desserrer l’étau, mais surtout mélanger les cartes de l’ex-allié Pdci qui affiche clairement sa disposition à entrer en fiançailles avec l’opposition d’alors, le Fpi. Henri Konan Bédié ne s’en cache pas. « Rien ne s’oppose à ce que dans une plate-forme comportant toutes les forces vives de la nation dont les partis politiques, le Pdci et le Fpi, se retrouvent ensemble ». Parole du ‘’Sphinx de Daoukro’’, après une audience avec Pascal Affi N’guessan.
Pour faire bien, Henri Konan Bédié envoie des émissaires chez Simone Gbagbo, l’ex-Première dame, figure de proue du Fpi nouvellement sortie de prison. Le président du Pdci a besoin du Fpi, mais du Fpi en entier. Le Puzzle se reconstitue. Avec un changement de camp. Le triangle vient est en train de se retourner sur un autre base. La dernière après le Front Républicain et le Rassemblement des Houphouëstistes en bout de piste. Bientôt le décollage avec une nouvelle alliance. Le Commandant de bord, Henri Konan Bédié. Avec des passagers disposant de passeport Fpi, Mfa d’Anaky Kobenan ou Azoumana Moutayé, PIT de Aka Ahizi, Upci de Soro Brahima, …. Ces laissés-pour-compte du Rhdp transformé en parti unifié. Sous la gouvernance du président de la République, Alassane Ouattara quelque peu isolé. Comme ses prédécesseurs, Henri Konan Bédié avant-hier et Laurent Gbagbo hier. La roue n’est-elle pas en train de tourner ? On ne devrait pas être surpris d’un Front démocratique naissant dans la foulée pour 2020. Les cartes de ce nouveau puzzle étant réunies. Le cercle sera alors bouclé, et alors sonnera l’heure peut-être d’ouvrir le champ à d’autres cercles. Vous avez dit politique en Côte d’Ivoire ? On y est !