En octobre 2020, la Côte d’Ivoire renoue avec le cycle des élections et du renouvellement de ses institutions. A presque 27 mois de ces échéances, la fièvre monte déjà. Les Ivoiriens assistent à une succession de faits et de discours qui rompent avec l’harmonie souhaitée. Pour un pays sorti d’une profonde crise post-électorale en 2011, et qui espère une meilleure situation à l’horizon, le décor n’est pas encourageant. Les choses ne semblent pas bien se passer déjà. A la place du travail, la vie s’est presque arrêtée. La politique a repris ses droits. De plus belle. Comme ça a été le cas durant ces trois dernières décennies. On pensait le mal conjuré. Après les batailles féroces et meurtrières que se sont livrés les adversaires de 2011. Mais, c’est avoir du mépris pour ces acteurs politiques mus par les intérêts à la calculette.
La Côte d’Ivoire, depuis le décès de son père-fondateur, feu Félix Houphouët-Boigny, vibre toujours au rythme de ces politiques. Même les héritiers du « vieux » ne donnent pas l’air d’avoir appris de ses secrets pour préserver la paix et la stabilité. Valeurs sûres qu’il a entretenu avec dogmatisme durant son règne quarantenaire. Bien au contraire, ils sont les premiers à s’entre-déchirer. Chacun se réclamant de la meilleure philosophie du père dont il n’aura, en réalité, rien retenu.
Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et pour la paix (Rhdp) en Côte d’Ivoire, parlons-en. Défrichons ce mariage à relent qui vole de tumultes en tumultes dans un foyer toujours rythmé par les turbulences. L’on se souvient, comme si c’était hier, de la naissance de cette alliance dite des « enfants d’Houphouët-Boigny », sur les bords de la Seine à Paris. Peut-être aurait-il été sage pour ses initiateurs de faire l’économie de ce long voyage pour se retrouver au pied de la Basilique Notre Dame de la Paix de Yamoussoukro, œuvre du « Père », pour mieux s’abreuver de sa philosophie. En tout état de cause, ils ont réussi à se réunir. Pdci-Rda, Rdr, Udpci auquel s’est adjoint le Mouvement des forces d’avenir (Mfa), curieuse transfuge de la Gauche vers la Droite libéral.
Les points communs, on s’en est vite trouvés. Le « Rassemblement », dérivé du sigle du Rdr et du Rdr. L’Houphouëtisme, ciment des retrouvailles après les années de pires adversités entre le Pdci d’Henri Konan Bédié, ancien président de l’Assemblée nationale, dauphin constitutionnel et héritier politique dès le décès du « vieux », et le Rdr d’Alassane Ouattara, ancien et unique Premier ministre jusqu’à la disparition du « père-fondateur ». La boucle de la dénomination de la nouvelle coalition est aisément trouvée en complétant les deux premiers concepts avec la « démocratie » et la « paix » figurant dans le sigle de l’Udpci de feu Robert Guéi qui, à l’instar du Rdr d’Alassane Ouattara, est aussi transfuge du Pdci-Rda. Le tout va donner le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). Coalition qui va se fixer pour objectif et réussir à (re)conquérir le pouvoir tenu par l’opposant historique de feu Houphouët-Boigny, leur mentor, et l’exercer ensemble.
A cet exercice, tout semblait bien parti. Sauf que ceux qui avaient trop vite prédit un bel avenir à la coalition du Rhdp auraient eu tout vrai s’ils avaient pris en compte les imprévus des appétits une fois à table. Par contre, ils sont en passe de gagner leur pari, ceux qui avaient pronostiqué sur un impossible mariage entre le Pdci-Rda et le Rdr.
On voyait déjà venir, tout ce qui se tramait entre ces deux alliés. Ces ex-adversaires devenus conjoints combinant idylles et duperies dans un front hypocrite et parfois dans la flagrance. S’ils ont pu franchir un premier quinquennat dans le calme, le second n’est point de tout repos. Les mariés se sont découvert des défauts, et plus rien ne semble plus aller entre le Pdci et le Rdr. Chacun ayant tourné son regard vers un horizon différent. L’enthousiasme de l’accès nouvellement au pouvoir et l’envie de prouver sur le terrain ont laissé place aux luttes politiques de positionnement. Les calculs ont repris de la place, et à bas la gouvernance pour le développement. Les réflexions et les actions sont désormais à la politique. Jusqu’à ce qu’un vainqueur le développement soit désigné ou s’impose.
27 mois que ça va durer. 27 mois que le pays pourrait en pâtir. Les gouvernements se suivent mais peinent à se distinguer. Tous avec des membres ayant la même boussole, et le même repère : la jouissance et la boulimie du pouvoir. Cette jouissance au nom de laquelle les adversaires aussi s’agitent. Tout le monde veut être à la soupe. Conséquence, les partis politiques explosent. L’alliance implose. Une dislocation qui expose toute sa faiblesse reposant sur des calculs d’intérêt de ses membres. Chacun voulant le trône pour mieux s’asseoir et ‘’manger’’ à son aise. ‘’MANGER’’ ! Ce verbe conjugué à souhait. Au détriment de l’harmonie et de la cohésion. Preuve que ce Rhdp ne reposait sur aucun fondement solide. En tout cas, pas de la philosophie du mentor dont chacun se réclame. Mais, de l’appétit des uns et des autres. Y compris ces opportunistes qui, comme des sangsues, se tiennent toujours prêts à rallier le camp le mieux placer pour s’empiffrer. Ces petits partis aux leaders sans conviction et sans vergogne. Mus uniquement par la soif du mieux-être égocentrique, et qui n’aident pas à la cohésion. Une fois encore, on les a vus à l’œuvre dans la bataille pour la création du parti unifié du Rhdp. Ce sujet au cœur du nouveau refroidissement entre Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara.
Entre ces deux-là, le divorce est presque consommé présentement. Même si le conjoint du Rdr tente, à nouveau, de sauver les meubles. « Pas de divorce dans le mariage », a laissé entendre dans son costume de tout nouveau président du Rhdp, Alassane Ouattara, à son ex-principal allié, qui a désormais la balle au bond. Henri Konan Bédié va-t-il s’y plier ? Pas encore évident, au regard de la succession des faits et des discours de ces dernières semaines. Mais, la politique reste l’art de l’impossible, dixit le même Bédié. Aussi, les regards restent-ils tournés vers l’horizon pour scruter ce qui se dessine. Un horizon quelque peu brumeux, avec des nuages peu cléments à mesure que s’égrainent les mois vers les prochaines présidentielles. 2020 s’annonce encore palpitante. Une échéance de dénouement ou de renouement que redoutent encore beaucoup d’observateurs. Avec ce décor qui pourrait encore inspirer le célèbre artiste de reggae, Tiken Jah Fakoly, dans son titre et refrain ‘’Mon pays va mal’’ composé pour attirer l’attention des acteurs ivoiriens sur les braises. Lesquelles ont enflammé cette nation toujours en convalescence.
Félix D.BONY
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