La météo n’est toujours pas clémente sur la Côte d’Ivoire. En plus du ciel nuageux, qui annonce encore des orages, après la pluie meurtrière à l'origine d'une vingtaine de morts le 19 juin dernier, sur le plan politique, les Ivoiriens restent encore dans l’expectative de ce qui va se passer dans les jours à venir.
Les pluies diluviennes, qui ont causé ce drame à Abidjan, et les grosses goûtes qui ont inondé des communes, ont noyé l'actualité politique marquée par les décisions du Bureau politique du Pdci-Rda du 17 juin 2018. Cette réunion, l'événement le plus attendu du mois, a débouché sur des positions dont la suite s'annonce très déterminant pour l'avenir politique de la Côte d'Ivoire.
En effet, alors que le président de la République, Alassane Ouattara et le Rdr (son parti) mettent la pression pour la création, avant les élections municipales de septembre 2018, du parti unifié du Rassemblement des Houphouëtistes (Rhdp) (coalition du au pouvoir), le Pdci, leur principal allié, a décidé clairement de botter en touche. Henri Konan Bédié et ses partisans, réunis en Bureau politique pour réfléchir sur la question, l'ont reléguée en une préoccupation secondaire.
Si c'était pour dire ''Non'' poliment et non brutalement comme l'Upci de Soro Brahima l'a fait le 28 avril dernier, les dirigeants du Pdci ont bien réussi l'exercice dans la forme et dans le fond. En témoignent ces passages éloquents en rhétoriques du communiqué accouché à l'issue des débats très animés au cours de leur Bureau politique.
« Le bureau politique affirme son soutien au Président du Parti et endosse la signature de l’Accord Politique du RHDP relatif à la création d’un Parti Unifié. Le Bureau Politique prend acte des documents tels que validés par le Comité de Haut Niveau et décide de soumettre ces documents à l’examen du prochain congrès ordinnaire du PDCI-RDA. Le Bureau Politique donne cependant mandat au Président du Parti pour poursuivre les négociations dans le cadre du RHDP et ce, à toutes les étapes du processus de mise en œuvre du Parti unifié RHDP. Le bureau politique rappelle que l’année 2018, en ce qui concerne le PDCI-RDA, est une année de Congrès, notamment le 13ème Congrès Ordinaire. Le Bureau politique, face aux enjeux futurs et soucieux de la préservation de l’union des militants autour du Président du Parti, décide : le report du 13ème Congrès Ordinaire du PDCI-RDA après l’élection présidentielle de 2020; la prolongation du mandat du Président du Parti; la prolongation des mandats des autres organes et des structures spécialisées du Parti ».
Les choses sont claires et nettes telles qu'affichées par les dirigeants du Pdci-Rda. Le parti unifié n'est pas une priorité pour le moment. Cette question ne saurait être soumises à examen avant les prochaines élections présidentielles. Echéances que vise le parti d'Henri Konan Bédié. Lequel en fait son objectif principal réaffirmé au cours du même Bureau politique. « Le Bureau politique rassure les militants et militantes de la détermination du parti à reconquérir le pouvoir en 2020 et les invite à se mobiliser massivement pour participer activement à la révision de la liste électorale, dans l’union, le rassemblement et la discipline ».
Bref, le Pdci-Rda, qui réclame une alternance au pouvoir avec le Rdr en 2020, après avoir renoncé aux joutes présidentielles de 2015 en faveur d'Alassane Ouattara, n'attend plus que cette passe. Bédié et ses partisans croiraient devoir dire au Rdr qu'ils exigent l'alternance avant le parti unifié qu'ils ne s'y prendraient autrement.
Le hic, c'est que l'allié au pouvoir n'entend pas les choses de la même oreille. Pour Alassane Ouattara, son successeur devra être désigné parmi les meilleurs dans le cadre du parti unifié du Rhdp. D'ailleurs, de plus en plus, le président sortant n'écarte plus la possibilité pour lui de rempiler pour un troisième mandat eu égard à la nouvelle Constitution qui l'y autorise.
Mieux, le président de la République, pressé de voir l'unification aboutir, semble très agacé par le marchandage qui se fait autour de ce projet. Lui-même ne se prive pas non plus d'user du même marchandage quand, le 5 mai 2018, à la clôture du Congrès extraordinaire du Rdr, abordant la question, a indiqué qu'il formera un nouveau gouvernement à l'exclusion des formations non membres du parti unifié. « Je suis très clair, le Rhdp se constituera avec ceux qui le voudront bien, ce n’est pas une obligation », prévenait Alassane Ouattara.
Depuis le 17 juin dernier, le chef de l'Etat a la réponse du Pdci-Rda. Le dernier parti politique dont il attendait qu'il clarifie sa position sur le parti unifié. A la place d'un ''Non'' catégorique, le Bureau politique du Pdci a opté pour un ''oui, mais....'' aux dirigeants du Rdr. Du clair-obscur servi au président de la Répiublique et à ses partisans.
Que va faire Alassane Ouattara maintenant ? Le président d'honneur du Rdr et ses lieutenants vont-ils franchir le rubicond pour fonder un parti unifié des Houphouëtites sans le Pdci-Rda d'Henri Konan Bédié et ses hommes ? Alassane Ouattara va-t-il remanier son gouvernement sans le Pdci-Rda ? Quid de la liste des 33 Sénateurs dont la nomination par le chef de l’État reste bloquée par cette épisodique débat sur le parti unifié?
Dans son discours du 5 mai dernier, le chef de l'Etat montrait déjà sa ligne sur le cas de l'Upci, lq première formation à avoir dit ''Non'' au parti unifié. « L’Union pour la Côte d'Ivoire (UPCI), signataire de l’accord politique du parti unifié Rhdp, n’a pas souhaité adopter ce projet, c’est son droit. Donc ce parti ne fera pas partie du gouvernement du Rhdp que j’ai l’intention de former dans les prochaines semaines ». Ouattara va-t-il appliquer la même mesure au Pdci ? Ou, va-t-il continuer avec les ministres et autres cadres du vieux parti qui ont pris fait et cause pour lui ? Qu'adviendra-t-il de ces cadres dans leur parti ?
Autant de questions qui ont résisté aux inondations causées par les pluies diluviennes et restent en suspend, en attente de réponses susceptibles de rythmer la vie politique en Côte d'Ivoire dans les jours et semaines à venir. Des jours qui s'annoncent aussi décisifs que le 17 juin passé. Rdr - Pdci-Rda, le jeu de dûpe continue. Le Conseil des ministres, qui reprend ses droits ce mercredi 27 juin 2018 à Yamoussoukro, pourrait servir de tribune pour le chef de l'Etat de prendre des décisions. Des décisions difficiles à prendre pour le président de la République embarrassé par ses alliés du Pdci-Rda. Va-t-il laisser la latitude au Rdr, son parti, de choisir une option. Dans tous les cas, la semaine se dessine politiquement. Et surtout attention aux dérapages!
Félix D.BONY