C'est la confusion totale au Burkina Faso. A peine entamé, on ne sait plus s'il faut poursuivre le procès des présumés coupables du putsch manqué de 2014 au pays des hommes intègres. Tellement l’atmosphère est tendue et délétère. Notamment avec le double attentat du vendredi 2 mars 2018, qui a fait presqu'une vingtaine de morts et plus d'une dizaine de blessés, suivi dans la nuit du samedi au dimanche d'un assaut déjoué dont la présidence du Faso serait la cible visée. La situation socio-politique s'est à nouveau désagrégée sur le sol burkinabé. Où l'heure est a nouveau aux interrogations et même aux supputations les plus saugrenues.
Qu'est-ce qui explique cette autre attaque soudaine alors que le pays semblait être sur la voie de gagner le pari de la stabilité depuis au moins une année? Pourquoi cet instant, au moment où devraient battre leur plein les audiences du tribunal de Ouagadougou pour laisser éclore la vérité sur le putsch d'octobre 2014, ses auteurs et autres co-auteurs ?
Premier élément de réponse. On le sait tous, et on en est tous désormais convaincus. Ces agressions de ces derniers jours sont bien une attaque terroriste des mouvements djihadistes qui sèment la désolation dans le Sahel. Eux-mêmes l'ont revendiquée. Le Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin (Jnim), ou, en français, le ''Groupe pour le soutien de l’islam et des musulman'' (GSIM) basé en Mauritanie s'est signalé l'auteur de cet attentat qui a ciblé plusieurs points stratégiques : le siège de l'ambassade de France à Ouagadougou, l’État major de l'Armée burkinabé, la Prmiature, puis la Présidence.
Le groupe terroriste, dirigé par le bien connu djihadiste malien, le Touareg Iyad Ag Ghali, qui l'a affilié à Al-Qaeda, justifie ces attaques à l'origine de 8 morts parmi les forces de sécurité du Faso et 8 autres parmi les assaillants. Ce mouvement évoque une «réponse à la mort de plusieurs de ses dirigeants dans un raid de l’armée française dans le nord du Mali il y a deux semaines».
Mais pourquoi le Burkina ? Parce que le pays de Roch Kaboré disposerait des troupes dans la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Cette force appuyée par l'armée française, veillant et agissant pour la sécurisation du Sahel miné par les mouvements djihadistes.
Ainsi, les dernières attaques de Ouagadougou passeraient pour être des représailles bien orchestrées, une réponse du berger à la bergère. Si l'on en restait là, cette réaction demeure une alerte à prendre au sérieux dans tous les pays voisins du Mali, ainsi que chez tous les contributeurs de diverses manières dans la crise du Sahel. La Côte d'Ivoire, le Sénégal ou le Niger qui, soit abritent des troupes françaises ou fournissent des combattants dans la crise malienne en sont avertis. Ce qui s'est passé au Burkina Faso est un signal fort aux dirigeants de ces pays à ne pas dormir sur leur laurier. Car, l'ennemi, rampant, est toujours aux aguets et prêt à surprendre.
Secundo. Au delà de l'acte terroriste, le moment choisi ne devrait pas laisser indifférents tout observateur de la situation socio-politique au Burkina Faso. Les frappes orchestrées interviennent en pleine semaine du début du procès le plus attendu de ces dernières années : celui des généraux Gilbert Diendéré, Djibril Bassolé et des dizaines d'autres prévenus accusés d'atteinte à la Sûreté de l’État et détenus dans des prisons burkinabé. Deux jours après son ouverture, ce procès avait déjà commencé à s'enliser quand il y a eu ces frappes. De nouveaux événements qui ont tout mélangé dans les esprits.
Même si ces attaques sont revendiquées et justifiées autrement par les prétendus commanditaires, elles ne suscitent pas moins des commentaires, voire des inquiétudes. Le procès entamé ne pourrait-il pas être le coup de pied dans le guêpier, qui a ouvert la boîte de pandore? On est en plein dans le bourbier burkinabé. Avec ses diversrses facettes et facéties.
On sait que sous l'ancien président, Blaise Compaoré, le Burkina Faso a joui d'une stabilité à nul pareil pendant des décennies. Le pays a toujours été épargné des menaces terroristes. L'ancien dirigeant avait trouvé la bonne parade avec son réseau pour entretenir une co-existence pacifique via son homme de main, Moustapha Chafi, interface avec les mouvements djihadistes.
Dans l'affaire du putsch manqué d'octobre 2014, les nouvelles autorités du Faso n'ont pas hésité à regarder vers l'ancien homme fort de leur pays exilé en Côte d'Ivoire. Le président de la Transition, Michel Kafando et son Premier ministre Isaac Zida ont presqu'indexé ouvertement Blaise Compaoré de tirer les ficelles du coup avorté sous la direction de son ex-chef d'Etat major particulier, le Général Gilbert Diendéré. Dans la suite des affaires d'écoutes téléphoniques, qui ont éclaté, d'autres proches de l'ancien président du Faso ont eté cités et même directement accusés. A l'image du Président des l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire, son poulain Guillaume Soro, et de son ancien ministre de la Défense puis des Affaires étrangères, le Général Djibril Bassolé.
Le procès programmé, mais bloqué suite à un préalable des avocats de la Défense, était annoncé pour être le cadre des grands déballages. Mais, la messe reste bloqué à ses chants d'entrée. Avec l'équation inattendue des attaques perpétrées à son 3ème jour. Faut-il y trouver matière à redouter un autre signal des réseaux dormants aux autorités actuelles du Faso ? Aucune piste de réflexion n'est à écarter en pareille situation. Car, il faut le dire sans risque de se tromper, avec ces engrenages répétés, le Burkina Faso est loin de sortir de l'auberge. Ses voisins y compris !
Félix D.BONY