Les jours et les semaines se suivent et révèlent un phénomène qui semble prendre pied en Côte d'Ivoire, ces derniers temps. Des violences d'un type nouveau font leur apparition et prospèrent de plus en plus sur le territoire ivoirien. Les faits se succèdent et se ressemblent quasiment d'une région à l'autre. Des cas de règlements de compte. Qui se terminent parfois dans le sang. Avec mort d'homme. Parfois de façon banale comme si ôter la vie à son prochain était devenu un jeu pour des individus.
Début janvier 2018, un fait insolite se déroule à Niakaramadougou, qui interpelle plus d'un. Alors qu'ils détenaient dans leurs cellules, des voleurs de bœufs appréhendés, des gendarmes de ladite localité sont contraints de les libérer sous la menace des populations pour éviter tout affrontement. Ce fait est passé sous silence. Peut-être des mesures auront-elles été prises sans grand bruit! Toujours est-il qu'il s'agit d'un acte de défiance, ridicule pour les forces de sécurité, et qui met formellement en cause l'autorité dont ils sont investis de la République. C'est de l'incivisme !
Dans l'intervalle de la même semaine, à Bouaké, ce sont des hommes en armes, eux-mêmes, qui décident de piétiner la morale et la discipline des casernes, en sortant leurs arsenaux pour se défier. Des militaires du Bataillon d'artillerie sol-air (Basa) et leurs frères d'armes du Centre de coordination des décisions opérationnelles (Ccdo) ont poussé l'audace jusqu'à s'affronter avec les moyens mis à leurs dispositions par le contribuable pour assurer sa sécurité et sa défense. Le bilan est indicible. Mort d'homme, des blessés, mais en plus, les locaux du Ccdo saccagés et incendiés par les militaires qui prennent le dessus dans cet échauffement. Qu'ont fait ces hommes du civisme enseigné dans les casernes ? Ces normes leur demandant de veiller à la sécurité du bien public ? A l'image de cette caserne partie en fumée, et dont la reconstruction coûtera une école ou un centre de santé au contribuable en souffrance? Question de civisme !
Jeudi 18 janvier 2018, à Andokoi, un quartier de la vaste commune de Yopougon, à Abidjan, capitale économique, siège du pouvoir en Côte d'Ivoire. Un individu, présenté comme le chef de ces enfants dits ''en conflit avec la loi'', communément appelés ''microbes'', est atrocement tué et brûlé vif par des habitants. Selon les témoignages, ces populations ont cru bon de se faire justice, car elles avaient commencer à en avoir marre des actes de ce redoutable criminel maintes fois incarcérés et libérés de la Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan. Vengeance cruelle, pourrait-on dire ! Mais, là encore, se pose une question d'éthique. Doit-on se faire justice dans un État de droit ? Ce droit n'est-il pas aussi valable pour les victimes de ce criminel toujours remis en liberté ? N'y a-t-il pas un dysfonctionnement dans le système avec des respnsables, qui auraient mal tenu leur rôle ? Il ne faut pas trop se triturer ses méninges, car ici aussi, un ressort cassé explique cette dérive (!). Il y a de l'incivisme à y voir!
Autre endroit, autre réalité, très récemment encore, cette fois à Soubré. Des populations n'ont pas voulu attendre qu'une hypothétique enquête soit diligentée sur les origines de l'incendie géant qui a ravagé le marché de cette localité, pour sonner la vengeance. La meilleure façon d'apaiser leur douleur aura été de tout saccager et brûler chez le maire, le premier magistrat de la cité. Un acte politique prémédité, où une réaction spontanée ? En tout état de cause, cette façon de s'y prendre, qu'elle repose sur des preuves irréfutable ou non, va à l'encontre de la morale sociale. Il ne peut y avoir un deuxième concept pour le qualifier. C'est de l'incivisme.
La cerise sur le gâteau, c'est ces incidents malheureux et fâcheux qui se sont produits le même jour, le week-end dernier, dans deux différentes localités du pays. Le premier à Bloléquin, où une opération de racket, le samedi 17 février 2017, a tourné au drame, et pour la victime et pour son bourreau. Un gendarme, qui abat un motocycliste sans arme, pour une rançon, avant de se faire lyncher à son tour. Quand celui qui applique la loi, tronque la règle, pour s'ériger en bourreau, et finir comme sa victime, ça s'appelle la cacophonie, le désordre? Cela ressemble fort bien au monde à l'envers. Un pays où rien ne va plus. A l'image de cette autre rixe banale entre deux individus, qui s'est transformée en conflit inter-communautaire, ce même samedi 17 février 2018, à Djébonoua. A quelques encablures de Bouaké. L'épicentre des crises à répétition.
Il faut le dire tout net ! Quelque chose ne tourne pas rond dans ce pays. Cela se ressent. Il y a trop de frustrations, trop de rancunes et de rancœurs accumulés. Qui se traduisent par des colères et accès de colère, à la moindre étincelle. On s'en aperçoit dans certaines de ces réactions impulsives. Des gens sont habités par le doute et l'absence de foi aux normes, en la justice même, et surtout en ceux qui les incarnent. Voyons! Quand un député, qui vote la loi, et un policier qui l'applique, en viennent à des échauffourées! Qu'y a-t-il de plus symptomatique du malaise.Or, quand la boussole de la Justice se perd, la Justice perd elle-aussi sa raison, et il est indéniable qu'elle ne peut qu'engendrer des réactions impulsives et irraisonnées. Alors s'installe, furtivement, la loi du talion. La règle du ''œil pour œil, dent pour dent'' s'érige en droit. Phénomène auquel l'on assiste aujourd'hui. Avec un peuple qui semble perdre sa foi en ses dirigeants, en sa justice, en ces forces de l'ordre, etc. Ce qui explique qu'il érige l'incivisme en règle. Attention à la dérive machiavélique....
Félix D.BONY