On est tous indignés. Tout le monde est fâché, et presque tous grognent. Les réactions pleuvent de tout le continent africain. L'esclavage en Libye, la vente de migrants transformés en esclaves. Un acte abject, inhumain, indigne de l'Africain contre l'Africain. Tout est dit. Bien dit. Sous l'effet de la colère et de l'indignation. Tout le monde est révolté. Journalistes, artistes, dirigeants,....
Tous dénoncent une ignominie et condamne avec fermeté les images dévoyées grâce à une enquête réalisée par un confrère français. Au bord de l'explosion, Alpha Blondy, la méga-star du reggae ivoirien appelle même à assiéger toutes les ambassades libyennes dans toutes les capitales africaines pour protester contre la dérive esclavagiste exercé sur les migrants en transit au pays de feu Mouhammar Kadhafi. La révolte est au paroxysme et alimente toutes les causettes. Mais, à tête froide, il importe de dire deux mots sur ce qui se passe sur le sol libyen.
Primo, la Libye est une terre d'esclavage. Tout comme la Mauritanie, le Maroc, l'Egypte, voire l'Algérie. La tradition de l'esclavage reste une pratique dans ces pays. Où des nationaux, parce que Noirs, sont assimilés à une race de seconde zone et son traités comme tels. Ceci n’absout pas les Libyens du crime esclavagiste qu'ils pratiquent sur les migrants venant des autres terres d'Afrique. Mais, faut-il vraiment les blâmer, eux ? Eux-seuls ? Est-ce seulement sur la terre de Libye que les migrants sont brimés ? N'est-ce pas que d'autres Africains vivent les mêmes supplices dans d'autres pays d'Afrique du Nord ?
Secundo, ce n'est un secret pour personne. La Libye actuelle, post-Kadhafi, est un non-Etat. Une véritable jungle où chacun peut se permettre ce qu'il veut. Un no man's land à la limite, qui attire tous les aventuriers, y compris les migrants pensant certainement y trouver leur compte. Dans un tel pays dont les gouvernants cherchent eux-mêmes leurs marques, peut-on vraiment indexer un gouvernements sur des pratiques de mafieux qui y font fortune ?
Tertio, il y a lieu de situer objectivement les responsabilités en ce qui concerne le phénomène de l'immigration et les drames qui résultent. A priori, on ne peut jeter la pierre qu'aux seuls Libyens ou à la Libye. Le mal doit être diagnostiqué à la racine pour mieux l'éradiquer. A propos, regardons autour de nous ! Ce qui se passe dans certains pays de la sous-région. Ce n'est pas injurieux de le dire ! Certaines pays de cet espace n'ont calqué leur modèle économique que sur leur diaspora. A défaut de pouvoir compter sur leurs potentialités quasi-inexistante pour entrevoir un véritable développement, leurs dirigeants encouragent une diaspora pourvoyeuse de devise, dont l'apport est devenu fondamental dans le calcul de leur produit intérieur brut.
Le Mali, le Burkina Faso, le Niger ou le Sénégal, ces territoires traversés par le désert, ne s'en cachent guerre.
A divers sommets, leurs dirigeants n'ont jamais manqué de réclamer encore plus d'ouverture au niveau de l'Union européenne pour favoriser l'aventure des migrants et permettre à ces peuples de pouvoir soutenir leurs familles et leur patrie. Point de politique locale pour freiner la ruée vers l'eldorado en Europe. Point d'action pour occuper sainement la jeunesse et la maintenir sur place. Fait notable, des familles, encouragées par quelques exemples de réussites, n'hésitent pas à se cotiser pour soutenir le voyage d'un enfant à l'aventure. Ce sont des millions de f Cfa collectés qui sont risqués très souvent dans les dunes du désert libyen ou sur les bateaux de fortune, au milieu des vagues effrayantes de la Méditerranée. Pourtant, ce fonds pourraient bien servir à entreprendre et envisager des lendemains meilleurs. Sur place.
Revenons en Côte d'Ivoire ! Ici, le pays n'a pas besoin d'un apport de diaspora pour se mieux porter. Selon les chiffres officiels du gouvernement, depuis plus de 5 ans, le pays affiche une croissance de plus de 8%. Il fait partie des dix économies les plus dynamiques au monde. Pourtant, des jeunes ivoiriens sont cités parmi les migrants maltraités sous d'autres cieux. A qui la faute ? Point besoin de se turlupiner les méninges. Quelque chose ne va pas. Sans doute un problème de répartition des ressources générées par le pays. Ou une mauvaise politique de promotion de la Jeunesse. Le malaise tire son origine peut-être du sommet. On pourrait indexer directement les gouvernants.
Mais, il ne faut pas se limiter qu'aux seuls gouvernants. Car, la responsabilité doit être partagée. Depuis le responsable de la plus petite entité locale, les élus locaux, les parlementaires, et tous ceux qui vont quérir l'onction du peuple. Pour ensuite le délaisser sans sa misère.
Le développement doit être à la base, et non au sommet. Car, c'est de là que tous les problèmes tirent leurs sources. Qu'une élite jouissent impunément des biens, en abandonnant sa masse dans la précarité. Cette masse réduite aux miettes et à la diète. Prête à tout pour espérer le bonheur partout, au péril de sa vie, en suivant la voie tracée par ses dirigeants. N'est-ce pas au Nord qu'ils vont emprunter ? N'est pas du Nord que tout est importé, au nom du peuple qui n'en ressent, pourtant, pas d'impact. Et si on allait tous à l'origine du bonheur au Nord ? Et voilà la route du désert, l'escale de la Libye, la traversée de la Méditerranée.
Révoltant ! Révolte contre les dirigeants ! Révolte contre les élus ! Révolte contre l'Occident, les pillards des économies du Sud ! Révolte contre soi-même, car c'est chacun qui choisit ses dirigeants. Président de la République, députés, élus locaux, tous autant qu'ils sont dont la politique de gouvernance contraint leur jeunesse à l'aventure périlleuse. Méditons ! Avant de jeter la pierre aux seuls
Libyens.
Félix D.BONY