L'énigme Ouattara – Soro!

Edito
Publié le Modifié le

Pour ceux qui en doutaient encore jusqu'à la semaine dernière, ils n'ont plus de raison de persévérer dans ce doute. Il y a crise entre le Rassemblement des républicains (Rdr) et les ex-Forces nouvelles. Entre le président de la République, Alassane Ouattara, et Guillaume Soro, président de l'Assemblée nationale. L'arrestation de Koné Kamaraté Souleymane, alias Soul to Soul, directeur du protocole du chef du Parlement ivoirien, le lundi 9 octobre dernier, et les réactions qui ont suivi, attestent bien qu'il y a crise. Une bien profonde crise décryptée sous sa belle plume par le proche collaborateur de Guillaume Soro, lui-même.

Avant qu'il ne soit appelé devant les juges pour son éventuel procès, Soul to Soul a déjà entamé le déballage. Dans un pamphlet qu'il a pu adresser depuis sa cellule par un long testo, ce fidèle camarade de lutte de l'ancien leader de la Fédération estudiantine de Côte d'Ivoire (Fesci) révèle : « Ce n'est pas moi qu'on vise (….). C'est mon patron, Guillaume Soro qui est visé ».

Ces propos achèvent de convaincre. Ce n'est pas par hasard que, parti du pays depuis plus de deux mois, Guillaume Soro s'attarde à l'extérieur. Quelque chose ne va pas au sommet de l'Etat. Ça sent du roussi entre le président de la République et son poulain. Son ex-dauphin constitutionnel. Les deux personnalités et leurs suppôts ne se vouent plus la fraternité naguère partagée et entretenue. Ça, tout le monde a fini par le sentir et par le savoir. Mais, personne n'en connaît les raisons.

Un fait est certain. On a découvert des tonnes d'armes de guerre dans une piscine recouverte dans un domicile de Soul to Soul à Bouaké. Ces armes, des mutins se l'étaient procurées pour rétablir l'équilibre de la force. Alors que les troupes restées loyales au pouvoir se préparaient à mater. C'était le 15 mai dernier, juste après que l'assaut ait été annoncé par la hiérarchie militaire. Comment ces mutins avaient-ils su qu'il y avait des armes toutes neuves dans un domicile à leur portée ? Qui leur en avait soufflé mot ? Violente question dirait l'artiste !

Toujours est-il que l'assaut n'aura plus eu lieu. Le gouvernement ayant été contraint à la négociation.

Mais, à qui appartenait ces armes entreposées dans cette piscine savamment enterrée ? Soul to Soul ne s'y reconnaît pas. Il soutient que le président de la République était informé de l'existence de ces armes chez lui. Il s'en veut même, lui, d'avoir accepté d'héberger ce colis piégé. Il y va à fond la caisse dans sa défense. « C'est pour ces armes qui ont servi à mettre le président Ouattara au pouvoir que je suis en prison ».Mea culpa et regret ! Mais en somme, qui a doublé qui ?

Là se trouve l'autre échafaud à dénouer.

A écouter Soul to Soul et ses camarades proches de Guillaume Soro, il y a un air d'ingratitude qui souffle dans la camp présidentiel. Le président de l'Assemblée nationale et ses partisans, tous membres des ex-forces nouvelles, s'affichent comme des victimes du système en place. Ils semblent vouloir dire devant l'opinion qu'Alassane Ouattara et les caciques du Rdr les ont utilisés pour arriver au pouvoir et pour ensuite chercher à les griller. Soul to Soul et ses camarades caricaturent bien cette victimisation, quand le détenu rappelle ses déconvenues, la prison qu'il a faite hier pour celui qui, parvenu au pouvoir aujourd'hui, à l'issue de ce combat, le ramène au bagne.

Seulement, cette ligne de défense est loin d'attendrir les tenants actuels de l'Exécutif. De ce côté-ci, on déplore un chantage des ex-Forces nouvelles et leur empressement à reprendre le pouvoir qu'ils ont contribué, certes, à conquérir. Face à la fougue des partisans de Guillaume Soro, qui réclament un passage du flambeau comme promesse à tenir, le Rdr et ses barons ont décidé d'opposer la fermeté. Ragaillardis par le pouvoir qu'ils détiennent. Dans la foulée, on parle même de nouveaux mandats. Comme pour narguer l'adversaire. Chaque camp joue avec les nerfs de l'autre. Les positions s'achoppent et se radicalisent. On se regarde en chien de faïence. Chacun explore les moyens en sa disposition pour tenter de conforter son assise et entrevoir demain. Un lendemain incertain pour les Ivoiriens dans leur ensemble. Tant la corde s'en-raidit de jour en jour. Le scénario est bien connu des Ivoiriens qui ont vécu les décennies passées. On renoue avec les vieux démons. Comme quoi les leçons du passé n'auront servi qu'à régler juste quelques comptes. Pauvre Côte d'Ivoire, toujours dans les calculs de probabilité. Jamais sûre de ses chemins pour entrevoir, tranquille, son développement. Encore et toujours dans les énigmes. Cette fois, c'est l'Enigme de Ouattara et de Soro. Et peut-être faut-il leur adjoindre Konan Bédié et Laurent Gbagbo. Car, aucun scénario n'est à écarter!

 

Félix D.BONY