Ne les jetons pas aux oubliettes !

Edito
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En 2012, le gouvernement ivoirien envoyait15 Rédacteurs en Chef des journaux ivoiriens en France pour un stage. Pendant un mois, ces 15 stagiaires ont été en immersion dans la célèbre Ecole supérieure de journalisme (Esj) de Lille. Les premiers responsables des principaux organes de presse de cette époque en Côte d’Ivoire ont pu se familiariser avec les rudiments modernes de la profession journalistique à la source en France.

Ce séjour studieux a laissé d’agréables souvenirs, dont la qualité des enseignements reçus. Mais surtout, l’expérience des formateurs aura été plus édifiante. Arrêtons-nous un tant soit peu sur cet aspect.

En effet, alors qu’on s’attendait à des enseignants propres à l’école pour prodiguer des cours de théorie, le stage aura été le fait de formateurs vacataires, voire honoraires dont l’école s’est entourée pour des occasions similaires. A quelques exceptions près, ce sont tous des doyens, des personnes du troisième âge, des anciens de plus de 70 et même de 80 ans appelés pour enseigner les différents modules arrêtés.  

 Au lieu de grandes théories, on a eu droit à des cours pratiques. Des vrais exercices ponctués de pragmatisme, d’anecdotes et de partages d’expériences. Ces septuagénaires et octogénaires ont impressionné leurs 15 stagiaires par leur aisance à distiller le savoir. Un savoir certes basées sur les techniques nouvelles ayant révolutionné la profession, mais surtout un enseignement fondé sur du vécu, du concret.

A 20% de théories, on pouvait quantifier 80% de pratiques basées sur le vécu de ces ‘’dinosaures’’ du métier. Des anciens qui ont traversé le temps, qui ont vu se succéder des faits et des événements, traités soit par eux ou par d’autres confrères. Des doyens édifiés par leurs échecs et leurs succès. Ils ont connu Giscard, ils ont pratiqué feu Mitterrand ou Jacques Chirac, ils ont vu les premiers pas de Sarkozy et de Hollande, ils sont à même de les conter. D’anecdotes en anecdotes. Rares sont les secrets chez eux, ces bibliothèques du savoir ! Du moins en ce qui concerne leur métier. Appelons-les des retraités actifs. On n’en trouve pas qu’à l’Esj de Lille. Mais, un peu partout chez les Français. Même dans les médias. Chez eux, on ne jette pas à l’oubliette ses doyens. On en tire le meilleur. Il semble que c’est un peu comme ça partout. Sous les cieux développés. L’expertise est toujours sollicitée.

L’expérience du quotidien ‘’La Montagne’’ de Clairmont Ferrand est édifiant. Dans ce quotidien régional, qui imprime plus de 300.000 exemplaires pour une population estimée à 450.000 habitants, chaque grand service a son doyen. Un grand éditorialiste chèrement payé, sollicité pour produire des éditos à chaque événement. C’est un consultant, un expert qui apporte du crédit et du contenu de qualité, eu égard à son vécu. L’expérience ne se bonifie-t-elle pas avec le temps et le vécu ?

Ramenons le sujet à nos vieux généraux convoqués et sollicités par le ministre de la Défense. Pour arriver à stabiliser la situation qui prévaut, marquée par des attaques de commandos sans visage et autres phénomènes post-crises difficiles à maitriser, Hamed Bakayoko a cru bon de faire appel à des anciens. Des officiers généraux, de vrais vieux briscards qui ont géré des troupes par le passé. Des connaisseurs de l’armée ivoirienne actuelle, désarticulée.

Le ministre de la Défense envisage de remettre ces généraux en activité pour l’aider à rebâtir l’armée. Une vraie armée républicaine. Quoi de si ingénieux que de réunir toutes ces diversités ? Policiers, gendarmes et militaires de différents corps ? Qui ont traversés des régimes, et sont imprégnés des différentes sensibilités, pour en tirer le meilleur. Pourvu que la volonté y soit. Aussi bien du côté du politique que du militaire. Eux aussi, on pourrait les rebaptiser des retraités actifs. Retraite active, retraite utile. Au service de sa patrie. Sans a priori et sans appréhension. Car, la fin n'a sonné qu’au bout du souffle. Le ministre de la Défense vient de donner l'exemple. Il doit servir dans bien d'autres domaines. Ne les jetons pas aux oubliettes! Car, ils ont du meilleur à redonner!

 

Félix D.BONY