La scène politique ivoirienne a connu une animation particulière ces derniers temps. Les Ivoiriens, et même tous les observateurs attentifs de la situation en Côte d'Ivoire avaient commencé à s'accommoder à une ambiance faite de diversion et de déchirement entre des alliés et camarades de même bord. Il y a eu comme un vent de division qui s'était emparé des partis politiques dont la cohésion interne avait commencé à voler en éclat.
C'est le Mouvement des forces d'avenir (Mfa) qui, en 2013, inaugure la liste des formations en peine. Son président-fondateur, Innocent Anaky Kobena est débarqué par ses camarades Ceux-ci mettent en scelle l'un de ses fidèles collaborateurs, Anzoumana Moutayé. Ce dernier, nommé ministre tiendra la barque le temps de sa présence au gouvernement. Sorti de l'équipe de Kablan Duncan, suite à un remaniement, au lendemain des élections législatives de 2016 au cours desquelles il a perdu son fauteuil de député, Moutayé connaît, lui-aussi, la dure épreuve de la trahison politique. Depuis le 26 août 2017, l'ancien ministre des Petites et moyennes entreprises (Pme) vit, à son tour, son expérience des frondes. Il est annoncé suspendu par un groupe de camarades conduits par son propre premier vice-président, Siaka Ouattara. Un congrès est même en préparation pour entériner le choix de ce dernier comme président de son parti. L'affaire suit son cours.
A l'instar du Mfa, le Parti ivoirien des travailleurs (Pit) a du mal, lui aussi, à préserver son unité. Cinq ans après la retraite de son président-fondateur, Francis Wodié, son successeur, Daniel Aka Ahizi, a eu du mal à tenir les manettes de cette formation née durant les premières heures du multipartisme. Le leadership de l'ancien ministre des Eaux et Forêts est contesté par d'autres camarades conduits par le Professeur Joseph Séka Séka. Ces derniers ont formé leur bureau qui continue de se disputer la légalité et la légitimité avec la tendance Ahizi. En toile de fonds, ces crises aussi bien au Mfa qu'au Pit, sont nourries par l'appétit du ventre et des problèmes d'égos. Tout le monde veut profiter de son parti pour devenir quelqu'un. Qui pour une nomination à un poste ministériel, qui troquer sa posture contre un haut poste de l'administration. A propos, l'on n'est pas surpris de la proximité des dissidences avec les pouvoirs en place.
En parlant d'appétit et d'égo, l'Udpci de l'ex-ministre Albert Mabri Toikeusse a manqué de peu de connaître sa part de crise. Un scénario évité de justesse grâce à la réinsertion de ses cadres protestataires à des postes de responsabilité pour contrer l'implosion. Sorti du gouvernement depuis novembre 2016, Mabri Toikeusse n'est toujours pas à l'abri d'une saignée à l'intérieur de sa formation politique. Même s'il semble bien tenir les manettes encore.
Mais, le vrai séisme, c'est la crise qui a secoué le Front populaire ivoirien (Fpi). Formation de l'ex-président déchu, Laurent Gbagbo, détenu depuis novembre 2011, à la Haye, où il comparait devant la Cour pénale internationale (Cpi). L'ex-parti au pouvoir a traversé des jours très agités après la chute du pouvoir de son mentor. Le Fpi s'est effrité entre les mains de Pascal Affi N'guessan. L'héritier politique laissé par Laurent Gbagbo s'est retrouvé confiné avec une portion congrue, mesurable par ses trois sièges sur 255 dans l'actuel Assemblée nationale. En face de l'ancien maire de Bongouanou, qui a sauvé son honneur en raflant, lui-même, l'un des sièges au Parlement, se tient Abou Drahamane Sangaré. Ce caciques du Fpi a avec lui la masse des militants qui ne reconnaissent plus dans le choix légué par leur mentor. Cette crise, qui cache mal des positionnements internes, a pris des proportions telle que le parti de Gbagbo joue certainement sa survie. Il aura fallu que, depuis sa cellule, ''l'âme'' du Fpi se réveille pour voir poindre à nouveau le soleil dans sa famille politique. Laurent Gbagbo, pour ne pas assister à la déliquescence de son instrument politique, a donné des instructions pour que le Fpi retrouve son unité. Depuis quelques semaines, ces consignes font leur effet. C'est la trêve entre les tendances rivales, qui ont tu leurs adversités. Finie la guerre des égos. Place au rassemblement. Une alerte au Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et pour la paix (Rhdp). La Coalition au pouvoir, qui était, elle aussi, au bord de l'implosion. Le Rhdp s'est très vite ressaisi. Les deux principaux leaders de cette coalition Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara, ont très vite compris le piège. Leur division ne saurait profiter qu'à leur adversaire. Du coup, finies des diatribes et autres guéguerre de positionnement. Place à la consolidation de l'alliance et au rassemblement. Au nom de l'intérêt commun. 2020, c'est dans trois ans, et ce n'est pas sûr que le Rdr ou le Pdci seul fasse le poids face à un Fpi réunifié. D'où le revirement à 90°, et le retour aux bonnes mœurs. La bonne humeur peut reprendre ses droits. Peu-être dans la duperie. Mais, cela vaut la peine que la guerre des égos. Halte donc aux égos ! A gauche comme à droite. Et honneur à la calculette pour 2020.
Félix D.BONY