Côte d’Ivoire: Le peuple a faim!

Edito
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La cherté de la vie qui étouffe les Ivoiriens depuis plusieurs mois a refait. Le débat fait rage. 

On doit la résurgence de cette palabre à l’artiste musicien Bebi Philip qui s’est fait porte parole des sans voix à une occasion inattendue: la finale du concours de beauté, Miss Côte d’Ivoire 2022, le samedi 2 juillet.

Une grosse pierre

Une grosse pierre jetée dans le jardin du gouvernement. Le sujet abordé à cette «fête» dédiée à magnifier la beauté ivoirienne a surpris plus d’un. Aussi, des voix se sont élevées pour dénoncer, non pas le toupet de l’artiste, mais l’opportunité. On pense en effet, que le moment n’était bien choisi. Le discours ici était inapproprié.

Tant et si bien que l’organisateur en chef de cette manifestation, Victor Yapobi s’en est lavé les mains.  «Que voulez-vous que je dise? Je n’ai rien à dire. Je n’ai vraiment rien à dire. Il est venu pour chanter et il a fait ça. Il avait le micro. C’était un live. Ce n’était un play-back. Il a dit ce qu’il avait envie de dire. Il avait déjà le micro et c’était en direct», s’est justifié M.Yapobi, président du comité d'organisation Miss Côte d'Ivoire (COMICI).

Franchement, je ne peux pas parler, je ne suis pas mêlé à tout ça. De vous à moi, que voulez-vous que je fasse

Des propos que rapporte le confrère Afrikipresse. «C’est comme si vous me demandez mon téléphone portable pour lancer un appel et je vous le donne. Je contrôle plus ce que vous allez dire. Franchement, je ne peux pas parler, je ne suis pas mêlé à tout ça. De vous à moi, que voulez-vous que je fasse», a insisté M. Yapobi.

En clair pour les tenants de cette position, ce n’était ni l’heure, ni le lieu pour évoquer ce sujet.

En face, l’on acclame le courage de cet artiste. Il a revêtu le costume qui est le sien, porter haut la voix du peuple. Et, il n’y avait pas meilleure tribune pour dire fort que les Ivoiriens meurent de faim. «Tout est devenu cher. Le marché est cher, même porc au four à augmenté. Donc chères autorités, faites quelque chose pour soulager la population », a plaidé la star du Couper-Décaler.

Le discours a certes surpris, parce qu’on ne s’y attendait pas, mais, il ne sonne pas faux. Ce jeune artiste a porté la parole du peuple. Il s’est fait porte-parole d’une réalité existentielle que vivent les populations. Les Ivoiriens vivotent. Ils tirent le diable par...la langue! De sorte que manger une banane braisée est devenu un luxe pour l’Ivoirien, avait dénoncé Soumaïla Brindoumi, porte parole du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci-Rda), le lundi 27 juin 2022, à son siège, à Cocody.

On ne peut plus se nourrir

«Aujourd’hui tout est cher. On ne peut plus se nourrir avec le même budget qu’il y a un an. L’inflation au niveau des produits locaux est supérieure à celle des certains produits importés. Comment peut-on expliquer la pénurie des produits dont la production est à notre portée ?

Notre pays dispose de terres arables et fertiles. D’énormes ressources en eaux sont perdues fautes de leur maîtrise. Le Gouvernement a refusé de faire de l’investissement dans le secteur agricole, en particulier le sous-secteur alimentaire, une priorité. Ce sont les conséquences que nous subissons.

Tenez vous bien, notre pays, producteur et exportateur de banane plantain vers les pays limitrophes est aujourd’hui obligé d’importer la banane plantin. Les commerçantes du vivrier vont acheter la banane plantin au Libéria pour alimenter nos marchés. Trois régimes de bananes plantin se négocient entre 10000 et 20000 F CFA sur nos marchés.  Les produits de consommation courante comme l’huile et le pain connaissent une augmentation sans précèdent.

  Notre pays dépense plus de 300 milliards de F CFA chaque année pour importer du poisson.

Aujourd’hui le maïs qui entre à la fois dans l’alimentation humaine et animale, voit son prix s’envoler au point qu’il impact des secteurs naguère prospère comme l’aviculture.  Notre pays dépense plus de 300 milliards de F CFA chaque année pour importer du poisson. Nous avons pourtant bénéficié pendant des années l’aide de l’Union Européenne pour développer le secteur de l’aquaculture et de la pêche. Rappelons que la Côte d’Ivoire dispose d’énormes ressources en eaux qui non seulement ne sont pas utilisées pour l’aquaculture, mais sont sujettes à la pollution par l’orpaillage clandestin. C’est le résumé de notre échec», a fait observer ce cadre du Pdci. 

Les indicateurs économiques qu’il a dévoilé ne sont guerre rassurants. « n note que le budget de notre pays présente un solde négatif depuis 2012 (-2.9 % du PIB), -5.5 % du PIB en 2020 et projetée à – 5.7 % du PIB en 2022, au-dessus des normes communautaires qui sont de 3% maximum. Le stock de la dette de notre pays atteint un niveau jamais égalé. En effet le stock de notre dette était en fin mars 2010 à 5281, 605 milliards de F CFA. Il est projeté à 25701 milliards de F CFA en 2023et 29755, 7 milliards en 2025, soit une augmentation de 600% sur la période 2011-2025.

Le service de la dette est estimé à 3686 milliards de FCFA en 2023, 4532, 4 milliards de FCFA en 2024 et 4869,6 milliards de F CFA en 2025, soit un total 13098 milliards de FCFA sur la période 2023-2025. L’inflation est passée de 0,7 % en 2016 à 2,4 % en 2020 et 4,2 % en 2021. Ce taux d’inflation selon les prévisions du ministère du budget s’établirait à 4,5 % en 2022.

Les indicateurs ci-dessus soulignent la fragilité de notre économie. Les perspectives ne sont guère à l’optimisme eu égard à la conjoncture nationale, aux chocs extérieurs et les impacts du changement climatique», a-t-il ajouté.

Outre cette analyse de l’un des partis significatifs de l’opposition ivoirienne, le ressenti de l’Ivoirien lambda est l’inquiétude du lendemain, vu que tout est cher et qu’aucun signe d’espoir ne se profile à l’horizon. Fuir la conjoncture, se réfugier dans les buzz servis à gogo par les réseaux sociaux n’épargne pas de la vie chère. La réalité est tangible et il appartient au gouvernement de mettre tout en œuvre pour redonner espoir aux Ivoiriens.

On peut à loisir dénoncer la forme du discours de Bebi Philip mais, le fond est inattaquable: Le peuple a faim! Le peuple a faim! Or, «un Homme qui a faim n’est pas un Homme libre», avait expliqué Félix Houphouët Boigny, premier président ivoirien, de qui se réclame, d’ailleurs, une grande majorité des leaders politiques actuels.

Jonas BAIKEH
Directeur de Publication
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