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Depuis quelques jours, la Côte d’Ivoire vit au rythme du retour de l’ancien président de la République, Laurent Gbagbo. Et, le débat s’est envenimé non pas sur l’opportunité de ce retour mais sur le faste que ses partisans veulent donner à cet évènement qualifié d’historique.
Puisque concernant la date de retour, le débat est clos. Le chef de l’État, Alassane Ouattara, au cours du conseil des ministres du 7 avril 2021, a indiqué que « Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé peuvent revenir au bercail « quand ils le souhaitent ». Partant, l’initiative de la date de retour appartient aux ex-pensionnaires de la prison de Scheveningen. Aussi, la date du jeudi 17 juin 2021 a-t-elle été annoncée par Assoa Adou, secrétaire général du Front populaire ivoirien (Fpi) tendance proche du président Gbagbo. « Je vous annonce que le retour du président Laurent Gbagbo sur la terre de Côte d'Ivoire est prévu pour le 17 juin », avait-il fait savoir, lundi 31 mai 2021.
Actuellement, la querelle qui bat son plein touche à la fête que veulent organiser les militants du Fpi et leurs alliés, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire d’Henri Konan Bédié, entre autres. A cet effet, plus de 80 délégations du Fpi ont été envoyées à travers le pays pour sensibiliser les populations afin que le retour de Laurent Gbagbo, définitivement acquitté par la Cour pénale internationale (Cpi) soit un véritable triomphe. Mieux, en dépit des protestations de leurs adversaires, les militants du Fpi connus sous le sobriquet de Gor (Gbagbo ou rien) continuent de déployer leur plan. Ce mardi 8 juin, on a assisté à Abidjan, à l’affichage de grands posters annonçant le retour de Laurent Gbagbo le 17 juin 2021.
D’ailleurs, Koné Katinan, porte parole de l’ancien président Gbagbo n’imagine pas un autre scénario. « C’est même impossible et inimaginable. Comment un événement aussi mondial peut-il se réaliser en catimini ? Cela n’est pas digne de la Côte d’Ivoire », a-t-il souligné le 27 mai 2021, au cours d’une rencontre avec des journalistes. Puis, il a fait ces précisions : « Jamais il n’a été question à ce stade des négociations avec le gouvernement. Nulle part le gouvernement n’a fait état de quelques restrictions sur l’accueil que nous entendons réserver au président Laurent Gbagbo. Puisque de façon évidente il n’est pas possible d’imaginer que cela puisse se faire en catimini. Ce que je voudrais que les Ivoiriens retiennent, c’est que le président Laurent Gbagbo sort gagnant d’un procès, c’est son triomphe personnel. Mais ce que nous attendons de ça, c’est un triomphe pour toute la Côte d’Ivoire. Qu'il permette à la Côte d’Ivoire de s’accaparer de ce triomphe pour repartir de nouveau, pour se reconstruire autour de ce triomphe. Nous voulons que son retour donne un coup d’accélérateur à la réconciliation en Côte d’Ivoire ».
Une
ambition que ne partage pas du tout le parti au pouvoir, qui voit
cela d’un très mauvais œil. Pour les leaders de ce parti,
l’ancien président Gbagbo devrait regagner Abidjan sur la pointe
des pieds, en « catimini ». « Nous pensons pour
notre part que nos frères du Fpi-gor, l’ex Président Laurent
Gbagbo en tête, devraient comprendre cette exigence de la paix, car,
comme le dit le sage, ‘’ la paix, ce n’est pas un vain mot,
mais un comportement’’. Plutôt que de
vouloir rentrer en Côte d’Ivoire comme un héros national avec un
trophée à la main, M. Laurent Gbagbo aurait pu comprendre que le
contexte de la réconciliation nationale requiert une attitude
d’humilité et de retenue. Il ne devrait en aucun cas enfiler la
casquette du héros national, toute chose qui serait synonyme de
provocation ou de moquerie au regard des victimes de la crise
post-électorale. Dans le cas d’espèce, la sagesse et la
responsabilité devraient conduire M. Laurent Gbagbo et ses partisans
à mettre de l’eau dans leur vin, car l’essentiel ici, c’est
son retour apaisé et sécurisé dans un esprit de recueillement et
de pardon », a vivement réagi, Kobenan Kouassi
Adjoumani, porte-parole principal du Rassemblement des houphouëtistes
pour la démocratie et la paix (Rhdp- au pouvoir).
Selon lui, le
Rhdp est déterminé à faire corps avec son président, à ramer
toujours dans le sens de la paix et de la réconciliation nationale.
« Nous invitons par conséquent nos militants à ne pas céder
à la provocation, mais que l’on se garde de la goutte d’eau de
trop qui pourrait faire déborder le vase. La paix est un édifice
commun que nous devons bâtir ensemble, pour le bonheur de nos
populations et le meilleur de notre chère Côte d’Ivoire »,
a-t-il mis en garde dans des propos à peine voilés. Une position
qui ne se démarque pas de celle d’Adama
Bictogo qui s’était farouchement opposé à cette idée de retour
en fanfare de Laurent Gbagbo. Quelques temps avant, Issiaka Diaby,
président d’un collectif de victimes avaient donné de la voix et
s’est invité à l’accueil de Laurent Gbagbo. Non pas pour le
célébrer mais pour réclamer qu’on
lui passe des menottes.
Les dés sont jetés. Pis, la tension se fait de plus en plus perceptible au fur et mesure qu’appproche la date fatidique du 17 juin 2021. Les Ivoiriens retiennent leur souffle. Des oiseaux de mauvais augure annoncent le chaos. Que va-t-il se passer ? Les analystes politiques vont chacun de leur théorie. Et les diseurs de bonne aventure prédisent des événements à troubler le sommeil. Les leaders politiques campent chacun sur leur position. L’horizon n’est plus rassurant. On imagine très bien ce qui pourrait advenir si ces « forces » antagonistes venaient à se retrouver sur le même espace de l’aéroport Félix Houphouët Boigny.
Pour notre part, nous en appelons au calme. Il faut savoir raison garder. Il faut à tout prix préserver la paix et la sécurité intérieure. La Côte d’Ivoire ne saurait revivre les scènes de violence de la dernière élection présidentielle. En outre, l’attaque perpétrée dans la nuit du lundi 7 juin 2021, contre les militaires ivoiriens à Tougbo, une localité située dans la région du Bounkani, département de Tehini et frontalière du Burkina Faso, nous rappelle que des défis sécuritaires plus grands et plus urgents se dressent devant nous. Des questions bien plus importantes que les circonstances de l’arrivée d’un ancien chef de l’État. Il est clair que des djihadistes sont à nos portes et constituent une réelle menace. Des troubles internes ne seraient-elles pas une aubaine offerte aux terroristes pour se glisser à l’interieur de nos frontières ? Il ne faut pas laisser se fissurer la cohésion sociale sur l’autel de puériles querelles au détriment de la vigilance anti terroriste. L’heure est grave ! C’est pourquoi, il faut dépassionner le débat, éviter de tomber dans les émotions et aborder les préoccupations des uns et des autres avec sérénité.
Et si on s’entendait pour organiser le retour, en toute sérénité, de ce « fils » au bercail ? Ce ne serait d’ailleurs pas un cas inédit, en Afrique. On se souvient, qu’en juin 2019, Jean-Pierre Bemba Gombo ( co-géolier de Laurent Gabgbo à La Haye) est rentré dans son pays, en République démocratique du Congo et le ciel n’est pas tombé. Condamné en première instance à 18 ans de prison pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité » en Centrafrique, M. Bemba avait été acquitté le 8 juin 2018, par la Chambre d'appel de la Cour pénale internationale (Cpi) à la majorité. Il est retourné dans son pays, sans le moindre heurt grâce à une collaboration intelligente entre ses partisans et les tenants du pouvoir d’État.
Il nous faut préserver la paix sociale, coûte que coûte. La Côte d’Ivoire est dans une situation délicate et doit négocier ce virage dangereux avec le concours de tous. Car, si elle sombre dans le chaos, nous pairons tous. Notons qu’il n’y a pas de leader politique (du pouvoir ou de l’opposition) sans Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire d’abord et avant tout !
Jonas BAIKEH