Conclave : Quand la fiction devance la mort du pape François - Critique

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conclave-quand-la-fiction-devance-la-mort-du-pape-francois-critique LE CONCLAVE (PH :DR)
Cinéma

Certains films résonnent comme des échos lointains du réel. D'autres, plus rares, semblent le précéder. À peine quelques mois après sa sortie, « Conclave » d'Edward Berger, une adaptation du roman de Robert Harris, s'impose aujourd'hui comme une œuvre troublante, presque prophétique.

Le 21 avril 2025, la mort du pape François a plongé le monde catholique dans une période de deuil. Et, dans l’étrange ballet des cardinaux convergeant vers Rome, les scènes du film ressurgissent avec la force d’une prémonition.

Présenté aux festivals de Toronto et de Saint-Sébastien avant de conquérir les Oscars, « Conclave » n’est pas un simple thriller religieux. Dans les couloirs silencieux du Vatican, le cardinal Lawrence magistralement interprété par l’acteur américain Ralph Fiennes est chargé d’organiser le conclave qui élira le nouveau souverain pontife.

Un reflet saisissant d’une église en crise

Le décor est planté : intrigues de pouvoir, tensions doctrinales, blessures secrètes. Mais au-delà du récit haletant, « Conclave » capte une vérité plus profonde, celle d’une église en crise, écartelée entre tradition et réforme, entre certitudes anciennes et exigences nouvelles.

Ce qui frappe, à la lumière des événements, c’est la correspondance presque littérale entre la fiction et la réalité. À l’écran, la mort du pape ouvre un temps de remous, où les ambitions personnelles se heurtent aux appels au renouveau spirituel. Dans la vraie vie, l’héritage de François qui représente un appels à la miséricorde, à la simplicité et surtout au doute fécond plane désormais sur Rome.

Quand dans le film, le cardinal Lawrence proclame que « le plus grand péché est la certitude » et implore d’élire « un pape qui doute », c’est tout l’esprit du dernier pontificat qui vibre sous ses mots. Ce dialogue fictif répond aux dernières confidences du pape défunt, consignées dans ses mémoires : « Les grands leaders du peuple de Dieu ont toujours laissé une place au doute. »

Un film devenu prophétie inattendue

Le cinéma anticipe ici ce que l’histoire religieuse est en train d’écrire : le temps du dogme absolu semble s’effriter, laissant place à une église plus vivante, inquiète et en recherche d’humilité.

Porté par une mise en scène sobre et tendue, « Conclave » évite l’écueil du spectaculaire. Edward Berger privilégie les regards, les silences lourds, la lumière tamisée des fresques de la chapelle Sixtine. Le film Semble être une méditation inquiète sur la difficulté d’être fidèle à l’Esprit dans un monde divisé même si certains traditionalistes dénoncent pourtant le contraire.

Alors que la fumée blanche de la chapelle Sixtine est attendue, la création cinématographique d’Edward Berger s’impose comme bien plus qu’une œuvre de divertissement. Elle est devenu, malgré elle, un compagnon discret pour lire les jours incertains qui s’ouvrent pour l’église. Ce film ne raconte pas simplement une histoire, mais il éclaire et interroge avec l’élégance rare de ceux qui, parfois, devinent l’invisible.

Fatima Sawadogo