BURIDA : Qui doit encaisser le droit d’auteur des œuvres créées avec l’IA

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burida-qui-doit-encaisser-le-droit-d-auteur-des-oeuvres-creees-avec-l-ia KOUADIO KOUAME JEAN-CLAUDE DIRECTEUR DES AFFAIRES DU BURIDA (PH:DR)
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À l’occasion de la Journée mondiale du Livre et du Droit d’Auteur célébrée chaque 23 avril partout dans le monde, Linfodrome s’est intéressé à un sujet de plus en plus sensible dans l’univers littéraire : la place de l’intelligence artificielle (IA) dans la création des œuvres et sa reconnaissance juridique en Côte d’Ivoire.

Dans une interview exclusive, M. Kouadio Kouamé Jean-Claude, directeur des affaires juridiques du BURIDA (Bureau ivoirien du droit d’auteur), a expliqué de fond en comble les enjeux de l’IA dans la création artistique et littéraire.

Linfodrome : Avec l’émergence de l’intelligence artificielle, peut-on juridiquement accorder un droit d’auteur sur une œuvre générée par l’IA ?

M. Kouadio : La réponse est délicate et mérite qu’on clarifie la notion de ‘produite par l’IA’. Tout dépend du niveau d’intervention de l’IA. Il faut déterminer si l’IA a assisté la personne humaine derrière l’écran ou si c’est l’IA qui a généré l’œuvre. C’est pourquoi l’on parle souvent de l’« IA assisted » ou IA d’assistance et l’ « IA gerenated » ou IA générative.


Le point crucial, ce sont les prompts, c’est-à-dire les informations ou les consignes que la personne humaine donne à l’IA. Si les prompts sont suffisamment détaillés, ne laissant aucune marge de manœuvre à l’IA que la simple matérialisation, c’est-à-dire, clairement conçu par la personne humaine, l’on accorde un droit d’auteur sur l’œuvre produite à la personne physique.

Car, celle qui a réalisé en l’espèce l’activité créatrice, ce n’est pas la personne humaine, mais ‘’la machine’’.

Par contre, si la personne physique derrière l’IA donne une simple idée ou une consigne vague ou générale pouvant aboutir à n’importe quel résultat, en ce moment-là, l’on ne peut pas accorder un droit d’auteur sur l’œuvre produite. Car, celle qui a réalisé en l’espèce l’activité créatrice, ce n’est pas la personne humaine, mais ‘’la machine’’. Or, en l’état actuel du droit positif, notamment celui de la Côte d’ivoire, le droit d’auteur n’est reconnu qu’à une personne créatrice d’une œuvre originale et non à une ‘’machine’’ quoique dotée d’une intelligence.

Linfodrome : Dans le cas où une IA est utilisée comme outil par un humain pour écrire un livre, comment la loi ivoirienne distingue-t-elle l’apport de l’auteur humain et celui de la machine ?

M. Kouadio : La loi ivoirienne sur le droit d’auteur, en l’occurrence celle numéro 2016-555 du 26 juillet 2016 relative au droit d’auteur et aux droits voisins, ne fait pas de distinction à proprement dite, mais elle nous donne les clés pour pouvoir faire la distinction.

Cela ressort de sa définition de la notion de « création ». Elle nous dit en substance au terme de son article 5 que « l’œuvre est réputée crée (…) du seul fait de la réalisation (…) de la conception de l’auteur ». La conception est donc l’élément fondamental.  Mais, la conception doit venir d’une personne physique. Autrement dit, la personne physique doit avoir imaginé dans son esprit ce qui va être réalisé matériellement.

Ces institutions culturelles doivent inviter les écrivains à concevoir eux-mêmes les contenus de leurs livres et éviter de laisser toute la main à l’intelligence artificielle au risque de perdre leur qualité d’auteur.
  • L’apport de l’auteur doit donc être la conception, c’est-à-dire la claire imagination de l’œuvre dans son esprit. Dans le cas d’un livre, l’auteur doit avoir conçu l’histoire qu’il veut raconter, l’IA n’aura donc qu’à écrire ce qu’il dit. Dans la pratique, il serait difficile de savoir si l’histoire écrite par l’IA vient de l’esprit de l’écrivain, autrement dit de son imagination ou d’une simple consigne basée sur un thème.

Linfodrome : Qui est responsable en cas de plagiat ou de contenu problématique généré par une IA dans un livre publié ? L’utilisateur de l’IA, le développeur de l’outil ou l’éditeur ?

M. Kouadio : Il faut en premier lieu savoir que le plagiat est le fait de se faire passer pour l’auteur d’une œuvre. Lorsque l’œuvre sera publiée, l’utilisateur de l’IA se fera passer pour celui qui a écrit le contenu du livre, autrement dit l’auteur du contenu du livre. C’est donc lui qui sera responsable du plagiat.

Linfodrome : Le cadre juridique actuel en CI est-il suffisant pour protéger les œuvres faites avec l’IA, ou des réformes sont-elles nécessaires ?

M. Kouadio : Le cadre juridique actuel sur le droit d’auteur, ne permet pas de protéger les œuvres produites par l’IA, surtout les œuvres générées par l’IA. Des réformes sont nécessaires si l’on veut accorder une protection à cette catégorie d’œuvres. Au niveau des pays comme l’INDE, l’IRLANDE, la NOUVELLE-ZELANDE ou encore les ROYAUME-UNI, les législations prévoient que le droit d’auteur appartient aux programmeurs de l’IA.

Linfodrome : Quel rôle les institutions culturelles, comme le BURIDA, peuvent-elles jouer dans la sensibilisation du public et des auteurs sur les enjeux liés à l’IA et au droit d’auteur ?

M. Kouadio : Ces institutions culturelles doivent inviter les écrivains à concevoir eux-mêmes les contenus de leurs livres et éviter de laisser toute la main à l’intelligence artificielle au risque de perdre leur qualité d’auteur.

Linfodrome : S’il faut donner un conseil aux écrivains qui utilisent l’IA en Côte d’Ivoire ce serait lequel ?

M. Kouadio : Qu’ils utilisent leurs esprits pour écrire les livres et non l’esprit de l’IA puisse qu’une œuvre de l’esprit doit venir de l’esprit de son auteur.

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