
Sacrée Palme d'or 2023, Justine Triet, appelle à « un monde qui est considéré comme possible de se tromper, et de recommencer.
La réalisatrice française a été sacrée au 76e Festival de Cannes pour son film Anatomie d'une chute, le 27 mai. Et a prononcé un discours vibrant, sur un monde dont les mutations sont à surveiller.
« Il faut célébrer le changement quand il se produit : cette année, sept réalisatrices sont en compétition » : avec ces quelques mots, prononcés avant de remettre la palme d'or, Jane Fonda ne croyait pas si bien dire. Quelques minutes plus tard, c'est à Justine Triet qu'elle a remis la récompense suprême du 76e Festival de Cannes pour son film Anatomie d'une chute, faisant d'elle la deuxième réalisatrice française au vainqueur, après Julia Ducournau pour Titane en 2021.
Maîtresse de son récit
Anatomie d'une chute raconte l'histoire d'une écrivaine, Sandra (Sandra Hüller, également à l'affiche de The Zone of Interest de Jonathan Glazer, récompensée par le Grand prix), accusée du meurtre de son époux.
Avoir la force de se relever lorsqu’on tombe
Durant son procès, c'est toute l'histoire de son couple, ses non-dits, ses secrets et ses rancœurs, qu'elle doit exposer devant un jury, des avocats et une audience dans laquelle se trouve son fils, un adolescent malvoyant . Acculée, Sandra se voit déposséder d'un récit, et d'un point de vue, qu'elle avait jusqu'ici l'habitude de maîtriser dans sa vie comme dans ses romans. Et se voit soumise à des regards divergents, qui la voit comme une femme égoïste, ou farouchement indépendante.
Discours coup de poing
Justine Triet avait déjà présenté des films sur la Croisette : Victoria (avec Virginie Efira et Vincent Lacoste) en 2016 et Sibyl (toujours avec Efira, mais aussi Adèle Exarchopoulos ), en compétition en 2019. Sur scène, elle a tenu à faire monter ses et ses producteurs, dont Sandra Hüller, Milo Machado Graner et Antoine Reinartz. Elle a d'abord remercié son coscénariste et compagnon, Arthur Harari, lui aussi cinéaste (Diamant Noir, Onoda, 10000 nuits dans la jungle), « qui s'est laissé kidnapper pendant trois ans ». Avant de se lancer dans un discours vibrant sur la « contestation puissante, unanime contre la réforme des retraites qui a agité le pays cette année ».
Justine Triet a dénoncé un "schéma de pouvoir dominant, de plus en plus décomplexé" qui éclate "dans toutes les sphères de la société et le cinéma n'y échappe pas", estimant que "la marchandisation de la culture est en train de casser l'exception culturelle sans laquelle (elle) ne serait pas là aujourd'hui". Avant d'évoquer cette place qu'elle-même a prise il y a quelques années « dans un monde un qui considérait possible de se tromper, et de recommencer " Preuve, comme le disait Jane Fonda, que les temps ont en effet changé, mais dans des directions parfois contradictoires. La victoire de Justine Triet constitue peut-être, en ce sens, un espoir.