Discographie du cinéma : Le malien Souleymane Cissé laisse orphelin le 7e art africain

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discographie-du-cinema-le-malien-souleymane-cisse-laisse-orphelin-le-7e-art-africain UN FILM REALISATEUR PAR LE MALIEN SOULEYMANE CISSE (PH:DR)
Cinéma

Un adieu brutal du réalisateur malien à l’aube de la 29e édition du FESPACO. Le « maestro et doyen » du septième art malien et panafricain, Souleymane Cissé s’est éteint, hier mercredi 19 février 2025 aux bords du fleuve Djoliba (Bamako), à l’âge de 84 ans. Derrière lui, une discographie assortie de films africains qui ont bercé l’enfance de plusieurs générations d’enfants africains.

Souleymane Cissé quitte ses productions en plein début d’une année décrétée pour la culture. L’annonce de sa disparition a été d’autant plus surprenante car le réalisateur animait une conférence de presse quelques heures plus tôt, où il défendait avec passion le rôle de la culture malienne. « Le Mali va apporter quelque chose à l’humanité. Créons nos savants, nos hommes de culture », lançait-il, visionnaire jusqu’au bout. 

Dernier plaidoyer pour la culture malienne 

Quelques jours avant sa mort, Souleymane Cissé avait reçu deux distinctions : le prix de l’« Icône culturelle » décerné par le festival du film africain de la Silicon Valley et un prix honorifique à Banjul pour son rôle dans le cinéma africain. Ces récompenses, présentées lors de sa dernière apparition publique, résonnent aujourd’hui comme un testament. « Faisons avancer le monde, faisons avancer le Mali », insistait-il, rappelant son engagement pour une Afrique fière de ses récits. 

Né en 1940 à Bamako, Souleymane Cissé a été clé de voute de l’histoire du cinéma en défiant les tabous. Après une formation en URSS, il revient au Mali et signe en 1975 Den Muso (La Jeune Fille), premier long-métrage africain à aborder la question des filles-mères. En 1978, Baara, plongée dans le monde ouvrier, remporte l’Étalon de Yennenga au FESPACO. Un prix qu’il décroche à nouveau en 1982 avec Finyè, dénonçant les régimes autoritaires. 

C’est avec Yeelen (La Lumière), sorti en 1987, que Cissé entre dans la légende. Inspiré des traditions bambara, ce film mystique remporte le Prix du Jury au Festival de Cannes, une première pour un réalisateur d’Afrique subsaharienne. « Yeelen a montré que le cinéma africain peut être universel sans renier ses racines », souligne un critique. En mai 2023, Cannes lui rend un nouvel hommage en lui décernant le Carrosse d’Or, récompensant l’ensemble de sa carrière. 

En 2024, un épisode douloureux assombrit ses dernières années : le Carrosse d’Or est volé chez lui à Bamako. « Cela m’a profondément attristé », confiait-il. Heureusement, le trophée est retrouvé grâce à une mobilisation des autorités. Cet incident symbolise les combats d’un artiste qui, malgré la reconnaissance internationale, restait attaché à son pays. 

FESPACO 2025 : Un dernier rendez-vous manqué 

Le destin a voulu que Souleymane Cissé s’éteigne à 72 heures de l’ouverture du FESPACO 2025, dont il devait présider le jury. Lui, double lauréat de l’Étalon de Yennenga, voyait ce rôle comme un aboutissement. « C’est une fierté de guider la nouvelle génération », déclarait-il lors de sa dernière interview. 

« Les histoires africaines doivent être racontées par des Africains ». Pionnier, Souleymane Cissé a toujours milité pour un cinéma par et pour l’Afrique. En fondant l’Union des Créateurs et Entrepreneurs du Cinéma de l’Afrique de l’Ouest, il a offert une plateforme aux jeunes talents. « Il croyait en notre capacité à écrire notre propre histoire », témoigne un réalisateur malien. 

Aujourd’hui, le Mali pleure un visionnaire, mais son œuvre résiste au temps. Des salles obscures de Cannes aux quartiers populaires de Bamako, ses films continuent d’inspirer. « Souleymane Cissé n’est plus, mais sa lumière guide encore le cinéma africain », résume un admirateur.